(Une réflexion sur le rapport que cette Française, prof à l’UQAM, entretient avec le Québec depuis son arrivée.)

Extraits choisis:

Régine Robin

Robin nous raconte en effet sa cérémonie de naturalisation canadienne. Elle demanda à prêter serment sur Proust, puis accepta de le faire sur l’Ancien Testament. Quand vint le temps de jurer serment de fidélité à la reine, elle fut d’abord étonnée, mais le fit de bonne grâce. Elle connaissait la reine, en quelque sorte, depuis la transmission télévisée de son couronnement en 1953 qui l’avait émerveillé. « Je restai captivée », nous apprend-elle (p. 63). Elle avait beau avoir amorcé la démarche de naturalisation pour des considérations purement utilitaires, elle en est « sortie émue aux larmes, bouleversée, tenant à la main le précieux certificat […] d’attestation », identifiant désormais le Canada comme son pays (p. 64). C’est pourquoi, pour elle comme pour tous ses amis d’origine étrangère : « Il nous fut infiniment plus facile de nous sentir Canadiens que Québécois » (p. 64). Aux yeux de l’aristocratie autoproclamée des jet-setters cosmopolites, combien est-il aisé de trancher entre les deux ! Cette identité leur apparait plus civique, dépourvue d’une « énorme épaisseur historique » ou d’un « poids de mémoire ». Ce pays lui a semblé être fait pour elle qui a toujours voulu postuler un « vide identitaire » (p. 64). Une identité qui ne serait pas vide, mais évidée de cette identité historique pour laisser la place à d’autres éléments, le territoire notamment, précise-t-elle pour être plus claire. Et Robin de nous parler des… Rocheuses qu’elle ne voudrait pas perdre (sic), de son appréciation de Vancouver. En fait, c’est tout le pays qu’elle apprécie, les Maritimes, les Prairies, l’Ontario y compris (à l’exception peut-être du peuple de sa province de résidence, il est vrai), et son multiculturalisme. Elle aurait même des amis à Saskatoon (précision importante sans doute) et admire profondément Trudeau (p. 81).

La culture française, la culture américaine, le monarque britannique sont chargés d’une valeur symbolique séduisante ; l’épaisseur historique d’une petite nation est en revanche rédhibitoire aux yeux d’une cosmopolite postmoderne…

Le Québec fut difficile à saisir et elle fut surprise de constater qu’une mauvaise idée des Français (plus que de la France) y avait cours. Tout cela pour conclure que « la langue n’est pas la culture » (p. 69). Si le Canada la séduit (p. 64), tout comme l’anglais – elle enrage de ne pas pouvoir parler anglais sans accent comme sa petite-fille américaine (p. 76) – et la culture américaine (p. 75), le Québec l’étonne par son étrangeté, puisqu’il est bien nord-américain et non pas français « hexagonal ». En somme, la nord-américanité la séduit chez les peuples anglophones autant qu’elle la repousse chez les Québécois.

Il faut ajouter la faiblesse du socialisme au Québec, qui ne fête même pas le 1er mai (p. 70). Sa famille avait été ébranlée par les révélations sur Staline en 1956. « Cela ne m’avait pas empêchée de devenir une militante à mon tour, mais avec recul, nous dit-elle. Je me disais qu’un jour, ces pays socialistes le deviendraient vraiment, qu’il fallait travailler à cela » (p. 74). Qu’importent, en effet, les malheurs et crimes réels qu’inflige ce régime, pourvu que l’idéal ne meure pas…

Mais au fond, c’était bien pire que cela. Quel choc que la rencontre avec le Québec. Son drapeau ? C’était « la France que je détestais » ; « quelle répulsion au départ, quel refus ! » (p. 77).

Pour lire la critique au complet