Un billet de David Desjardins

« Tes amis d’enfance sont devenus entrepreneurs, médecins, entraîneurs sportifs, profs (tu es né, après tout, dans une banlieue cossue). Ton ami l’ingénieur a même changé de vie pour devenir électricien ! Il installe des spas sous la pluie, au mois d’octobre, alors qu’il fait – 5°, et il adore ça. Il ne s’est pas laissé porter, il s’est choisi une vie.

Avec le temps, les partys du temps des Fêtes sont devenus plus inconfortables pour toi. Dur de soute¬nir le spectacle de la réussite de ceux qui étaient sur la même ligne de départ que toi, mais qui ne font plus, eux, de petits boulots d’étudiants. Sans parler du regard des oncles et des cousins, qui te dévisagent à Noël quand ils entendent dire que, malgré tes études universitaires (pas achevées, mais quand même…), tu empiles des boîtes dans un entrepôt réfrigéré.

En regardant tes anciens amis, tu vois ce que tu aurais pu devenir. Si tu avais fait d’autres choix. Cette vie que tu voulais sans entraves se referme sur toi comme un piège. Tu voulais lire des livres l’après-midi, draguer des filles au bar le soir, jouer aux jeux vidéo avec tes amis jusque tard dans la nuit. Et puis un jour, tes amis ont cessé de venir jouer, parce qu’ils devaient se lever le matin pour le travail ou les enfants. Le temps a passé, il n’y a que toi qui n’as pas changé, piégé par ton insouciance adolescente. »