Mathieu Bock-Côté , Le Journal de Montréal
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Le génie de l’école privée est de justement se déprendre – un peu – de la logique de l’égalitarisme niveleur qui s’est emparé de l’école publique. Les parents s’imaginent l’école comme dépositaire d’une vision plus classique de la pédagogie, plus humaniste et moins «postmoderne». À tort souvent, car l’école privée n’est pas épargnée par ses maux. Elle n’en demeure pas moins le symbole.
 
Ils espèrent en fait retrouver à l’école privée ce que l’école publique ne prétend plus transmettre: une discipline, un encadrement, une culture, dont le port de l’uniforme est souvent le signe le plus visible, dans la mesure où il est le symbole même d’une discipline que l’école publique ne prétend plus inculquer. La présence du vouvoiement est un autre signe de ce conservatisme revendiqué.
 
Cela en dit beaucoup sur certaines valeurs traditionnelles socialement refoulées, tant on fait aujourd’hui de la recherche de l’authenticité individuelle l’horizon exclusif de la démocratie. Cela révèle un profond désir de tradition, de réenracinement, de réhabilitation des cadres sociaux et culturels indispensables à la formation de la personnalité. Il y a un fond conservateur dans notre société qui demande à s’exprimer.
 
En un sens, le système d’éducation public a compris ce qui se passait. Il a commencé à entendre ce désir d’une école reconnectée sur les fondements de l’éducation. Il a d’ailleurs entrepris sa rénovation en multipliant les classes spéciales adaptées à la diversité des «clientèles» – un horrible mot pour parler de l’école et des élèves. C’est sous la pression du privé que le public a entrepris de se réformer.
 
Des filières «d’excellence» se multiplient. Elles sont souvent musicales, sportives. On les dit aussi souvent «internationales», même si l’utilisation de ce mot pour désigner l’excellence (ce mot qui a remplacé le terme «classique, d’ailleurs, qui référait aux humanités occidentales) fait problème et révèle la prégnance dans notre société d’une forme de cosmopolitisme obligatoire bas de gamme.
 
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Plutôt que de déclarer la guerre à l’école privée, le gouvernement devrait plutôt entreprendre la grande refondation de l’école publique. J’en donne les grandes lignes: abolir l’insensée réforme scolaire, restaurer le rapport d’autorité entre le maître et l’élève, réhabiliter les humanités et la culture générale,  multiplier les projets d’excellence. Et ainsi de suite.
 
Si l’école entreprenait vraiment ces réformes, la fuite vers le privé, très probablement, s’atténuerait progressivement. Cela implique en fait de redécouvrir l’idéal humaniste et la tradition qui l’accompagne. Imagine-t-on l’école québécoise s’ouvrir enfin à cette belle tradition? N’est-ce pas la vraie tâche, non pas la guerre au privé, mais la réparation du public?
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Le Kiosque a publié
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La réforme scolaire: né pour un petit bulletin
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Comment le Québec s’est-il retrouvé avec une réforme pédagogique dont personne ne voulait sauf un petit groupe d’idéologues du ministère de l’Éducation, des facultés de sciences de l’éducation et du Conseil supérieur de l’éducation. Les auteurs parlent de «manipulations notables». Le Kiosque a fait bouillir le livre Contre la réforme pédagogique. ( Sous la direction de : Robert Comeau et Josiane Lavallée. VLB éditeur, 2008.) pendant quelques mois pour en extraire l’essentiel. Édifiant et révoltant.
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« En attendant, je cherche toujours, sans la trouver tout à fait, la réponse à une question pressante : de quel droit, par quelle légitimité, fonctionnaires et chercheurs ont-ils pu procéder à cette formidable mutation du sens de l’éducation qu’ils ont opérée ? Il me semble cependant que l’arrogance et l’ignorance qui ont présidé à l’adoption des idées que je viens de décrire ont dû jouer un rôle dans toute cette histoire. »  (Normand Baillargeon)