La folle histoire de la folie
– Claude Marcil avec Anne Quirion
Les premiers fous? On leur a troué le crâne! Par la suite, on les a expulsés ou enchaînés, toujours pour leur bien. On montrait les plus intéressants spécimens à des touristes payants ravis.Les causes? Dieu, le diable, le milieu, le corps, l’âme alouette…. La science s’en est mêlée; vinrent le coma, les électrochocs, la lobotomie et la stérilisation. Tragédies, plusieurs échecs, quelques succès. Les premiers. Puis, en une petite dizaine d’années, on découvre des médicaments qui font effet. Des penseurs influents ont protesté: les maladies mentales n’existent pas; on ne peut pas, on ne doit pas les traiter.
Il y a une vingtaine d’années, partout en Occident, on a vidé les asiles, en promettant à la population et aux malades mentaux que jamais on ne les perdrait de vue. Puis, on a les a perdus de vue.
Les archéologues ont été longtemps intrigués par ces petits trous ronds perforés dans des crânes datant de cinq mille ans. Ils ont fini par trouver l’explication: les trous permettaient de laisser sortir les démons qui avaient pénétré dans le crâne et rendu les hommes fous. Par contre, chez les Hébreux, pas de démons, c’est Dieu qui rend fou. « L’Éternel te frappera de délire, d’aveuglement, d’égarement d’esprit et tu tâtonneras en plein midi comme l’aveugle dans l’obscurité.» C’est donc à Dieu qu’on s’adresse pour obtenir la guérison.
Puisque la folie est causée par le surnaturel, toute la planète est d’accord: Il faut punir les fous, les bannir ou les exorciser.
Puis, il y a 2500 ans, cette belle unanimité est rompue par un tout petit groupe d’Européens, les Grecs. Ceux-ci ont pris l’habitude de raisonner, de se poser des questions sur tout et n’importe quoi et de trouver des réponses ailleurs que dans le surnaturel. Parmi eux, Hippocrate, le papa de la médecine.
Son grand principe est d’observer, de scruter le malade avant de poser un diagnostic et de soigner. Le premier, il cherche une explication naturelle des maladies physiques ou mentales et laisse la magie loin derrière.
Hippocrate ne croit pas que la folie est causée par le mauvais oeil ou un dieu quelconque. Il ose même dire que l’épilepsie, «la maladie sacrée» par excellence, « n’est ni sacrée, ni divine». Toutes les maladies mentales sont causées par les «humeurs».
Selon Hippocrate, dans le corps humain règnent quatre liquides qu’il appelle «humeurs»:
- le sang
- le flegme ( sécrétions sans couleur comme les larmes et la sueur)
- la bile noire
- la bile jaune
À cause des «humeurs», certaines personnes ont un tempérament sanguin, flegmatique, bilieux ou mélancolique. La santé, physique ou mentale, dépend de l’équilibre entre les humeurs. Un déséquilibre mineur entre les humeurs entraîne des «sautes d’humeur»; un déréglement majeur menace la santé.
Trop de bile noire par exemple cause la dépression; trop de bile jaune, la manie accompagnée de rage; trop de flegme, la folie. Solutions: on purge et on saigne.
Les disciples d’Hippocrate répandent la théorie des humeurs dans tout l’empire romain et, lorsque celui-ci tombe sous les coups des Barbares, les chrétiens la préservent avec respect partout en Europe.
Ils raffinent les traitements contre les désordres mentaux: la saignée de la veine du milieu du front pour guérir la léthargie, celle du milieu du bras contre la mélancolie,et, lorsqu’il le faut, l’extraction de la pierre qui cause la folie.
Toutefois, ces disciples chrétiens d’Hippocrate dénaturent son héritage en plaçant Dieu et les saints, Satan et les démons, au coeur de leur pratique. Ils n’oublient pas que le Christ a guéri les possédés de Gérasa et de Capharnaüm. Aussi, lorsque le prêtre croit qu’un fou est possédé par le diable, il l’exorcise. Mais le plus souvent, il l’envoie en pélerinage demander grâce à un saint ou à un autre. Par exemple, saint Willibrod à Echternach (Luxembourg) qui guérit la danse de Saint-Guy ou encore saint Dymphna à Geel (Belgique).
Pendant tout le Moyen Âge, la famille et le village décident qui est fou et qui doit s’occuper de le surveiller. S’il est inoffensif, on le laisse circuler librement; sinon on le maintient à la maison, généralement enchaîné et sous bonne garde. Si c’est impossible, on le chasse, on l’envoie en prison ou encore on demande à une communauté religieuse de s’en occuper.
Mais, si le diable est trop incrusté, c’est le bûcher.
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Le (très) long chemin vers la compassion
Avec la Renaissance, des humanistes et de rares médecins condamnent les bûchers des sorcières. Certains vont même jusqu’à affirmer que les fous peuvent être guéris et qu’ils devraient être traités avec bienveillance.
Mais ils sont l’exception.
En général, les Européens ne tolèrent plus les fous parmi eux; on les expulse hors des hôpitaux et des villes. Le livre La Nef des fous écrit par Sébastien Brant en 1494 illustre parfaitement l’esprit du temps: les fous sont embarqués dans une péniche (une nef) qui dérive au fil de l’eau.
En fait, à partir de 1600, on commence à avoir peur des fous et cette peur s’installe durablement: ce sont des bêtes sauvages incurables qu’il faut isoler du reste de la société avec les autres marginaux, vagabonds, délinquants etc.
Tout un mandat pour Paris où ils représentent le tiers des 120 000 habitants.
Le 13 mai 1657, on chante une messe solennelle du Saint-Esprit dans l’église de la Pitié et le lendemain, sous l’ordre de Louis XIV, on enferme tous ces marginaux dans des genres d’hospice. Du moins ceux qui sont restés à Paris. 35 000 se sont réfugiés en province avant l’entrée en vigueur du décret. C’est ce que Michel Foucault appellera le grand renfermement. Il exagère beaucoup. Mais c’est un fait qu’on commence à les enfermer plutôt qu’à les expulser, aussi bien dans les pays d’Europe que dans leurs colonies.
En Nouvelle-France, à la demande de l’évêque, les soeurs de Québec aménagent en 1717 une douzaine de cachots individuels, dans l’enceinte de l’Hôpital général pour les «femmes furieuses ou de mauvaise vie». Plus tard, elles en aménageront d’autres pour les hommes. Jusqu’à la Conquête, le gouvernement subventionne leur entretien. Ils ne sont jamais plus d’une douzaine.
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Mauvais traitements
Pendant le XVIII siècle, tous les Européens, sauf quelques esprits éclairés, croient que la priorité est de garder les malades mentaux sous contrôle. Ils sont certains que la douleur, la correction corporelle, leur fait le plus grand bien.
Il y a donc peu de différences entre les soins et les punitions: les fous sont purgés, saignés, brûlés au fer rouge, enfermés dans des cercueils perforés qu’on descend dans l’eau. On renouvelle la dose au besoin.
Et on teste toutes sortes de théories.
On s’enthousiasme par exemple pour celle du médecin hollandais Herman Boerhaave: attirer le sang vers le cerveau et remettre ainsi un peu d’ordre «dans le mouvement désordonnée des fibres nerveuses». Pour y arriver, la chaise rotative, une espèce de centrifugeuse. On y attache un malade délirant, déprimé ou mélancolique, et on le fait tourner sur lui-même pendant des heures, jusqu’à ce que la vitesse le rende inconscient.
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Les zoos humains
À l’hôpital Bedlam de Londres, le plus connu et le plus vieux d’Europe, les patients sont enchaînés aux murs, certains pendant trente ou quarante ans, et traités comme des bêtes qu’on expose. Environ 100 000 visiteurs par année paient un penny pour voir les pittoresques fous de Bedlam, le premier zoo humain.
À la fin du XVIII, une poignée seulement de malades mentaux, ceux des villes, sont parqués dans les prisons, les dépôts de mendicité, les hôpitaux généraux et dans quelques asiles. En 1788, Bicêtre a 245 patients, la Narrenturm ( tour des fous ) de Vienne, de quelques dizaines à quelques centaines. En Angleterre, la moitié des malades mentaux sont dans les sept asiles du pays comme Bedlam, le reste dans des «pensions», des «madhouses», privées ou publiques.
Peu importe le lieu, le manque de compassion reste remarquable et ce, sans préjugés de classe comme le constate lui-même, en 1788, le roi George III.
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George III
Le 5 novembre 1788, le médecin personnel de George III, George Baker, le trouve en plein délire mental. Les meilleurs médecins de fous du pays s’empressent de le traiter. La comtesse d’Hacourt écrit:
«Le malheureux patient (..) n’était plus traité comme un être humain. Son corps (…) était enfermé dans une machine qui ne lui laissait aucune liberté de mouvements. Il était parfois enchaîné à un poteau. On le battait et on l’affamait fréquemment. Au mieux, on le maintenait dans la soumission en le menaçant en termes violents».
On le remet enfin entre les mains du Dr Francis Willis dont la méthode est révolutionnaire: au lieu de soigner ses malades en les brisant physiquement, il prétend les guérir par la douceur, le calme, les distractions, les conversations et en les coupant de leur entourage. Le roi guérit mais on croit aujourd’hui que sa rémission a été spontanée.
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Les Quakers
La religion quaker est l’une des plus pacifiques jamais nées en Occident. Leur hôpital américain, fondé en 1752 par le Dr Thomas Bond et Benjamin Franklin, traite ses malades mentaux comme des êtres humains. On leur offre de bons repas, de l’air frais, de la lumière. Trente ans plus tard, Benjamin Rush son nouveau directeur, révolutionne le traitement des malades mentaux en Amérique.
Bien sûr, il croit encore aux bénéfices des purges, des saignées et invente deux machines giratoires. Toutefois, il est convaincu que la maladie mentale n’a rien à voir avec les démons et traite ses patients en conséquence. Il abolit les chaînes, interdit les «touristes», encourage les loisirs.
À l’instar du Dr Rush, quelques congrégations inspirées de saint Jean de Dieu, quelques Européens, rompent radicalement avec la tradition de brutaliser les malades; non seulement ils les traitent mieux mais ils s’intéressent à leur esprit: le Dr Vincenzo Chiarugi à Florence en est un bon exemple ou William Tuke à York dans le nord de l’Angleterre. Ce dernier, dégoûté par la brutalité ambiante de l’asile local, fonde la Retraite en 1796. Les Quakers qui ont un trouble mental peuvent y trouver un lieu calme, paisible et sain où l’on ne pratique ni contention ni coercition.
Mais il faut rien de moins qu’une révolution – et un homme – pour canaliser cet esprit nouveau et changer radicalement le destin des malades mentaux.
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Pinel et la naissance de la psychiatrie
Les révolutionnaires de 1789 nient l’existence du diable et donc des possédés, s’opposent à la torture et proclament les droits de l’Homme. Ils sortent les malades mentaux des prisons et les placent: les hommes à Bicêtre, les femmes à la Salpêtrière avec quelques centaines de marginaux et d’éclopés de toutes sortes.
En 1792, Philippe Pinel est nommé responsable de l’asile de Bicêtre. La légende veut qu’il ait enlevé les chaînes de ses patients dans un moment d’indignation. En fait, les changements entrepris avec son assistant Jean-Baptiste Poussin, s’échelonnent sur plusieurs années, d’abord à Bicêtre, puis, plus tard, à la Salpêtrière.
Pinel croit que la folie est causée par l’excès de stress, l’hérédité et les dommages physiques. Ce sont des malades et ils doivent être traités comme tels; si les fous se comportent comme des animaux, c’est parce qu’ils sont traités comme des animaux! Il abandonne les cages de fer et les chaises tournantes et introduit un nouvel outil, la camisole de force, pour les patients dangereux pour eux-même ou pour les autres.
Pinel et Poussin constatent que certains malades mentaux le sont par période et d’autres tout le temps. Ils entreprennent de classer les maladies mentales en catégories selon leurs signes cliniques.
Pinel croit que la folie n’est jamais «complète» et que le fou n’est jamais «complètement fou». Pour prendre contact avec les parcelles de raison et d’humanité enfouis dans chacun de ses patients, il fait la première tentative de psychothérapie individuelle. C’est le grand bouleversement apporté par Pinel, il prend le temps d’examiner les malades, passe du temps avec eux, les observe attentivement, écoute leur histoire, les interroge sur leur maladie. Grâce à son ouverture d’esprit et sa compassion, Pinel gagne la confiance de ses patients et établit une véritable alliance thérapeutique avec eux.
En 1801, Pinel publie le Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie, dans lequel il expose les grands principes du «traitement moral». En fait, «traitement moral» veut dire traitement psychologique. L’ouvrage est traduit en allemand la même année, puis en anglais.
Jean-Jacques Rousseau avait suggéré que les pressions de la société aliénaient l’homme de son âme. De la même manière, Pinel explique qu’il faut séparer les patients de leurs proches, c’est à dire, du milieu qui les a rendus fous. Il propose à la place un environnement apaisant, des pièces ensoleillées, une diète saine, beaucoup de gentillesse, un contact suivi avec le médecin, des activités et des loisirs. Ainsi réhabilités par le «traitement moral», les malades mentaux pourront ensuite avoir une vie utile.
Pinel et son traité deviennent la référence des réformateurs de ce qu’on appelle depuis 1803 la psychiatrie.
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Les gouvernements: timides débuts
Quelques médecins inspirés tentent d’appliquer les recettes de Pinel et de Tuke. Ainsi, le Dr William Hackett de l’Hôpital Général de Québec remet au gouvernement un rapport stipulant que l’activité, la gaieté et l’exercice régulier sont une source de santé, aussi bien pour le corps que pour l’esprit.
Mais la majorité des médecins, entre deux mauvais traitements, persistent avec les méthodes qui ont fait leur preuve: la chaise tournante modernisée, avec 100 révolutions par minute pour déloger les idées fixes, ou les douches d’eau froide, pour donner un choc au système nerveux et les retourner à la raison. En 1814, l’hôpital de Bedlam accueille 96 000 touristes venus voir la centaine de patients.
Puis, les choses commencent à changer. L’année suivante en 1815, une commission d’enquête découvre à Bedlam l’Américain William Norris, entravé dans une cage de fer pour avoir frappé un gardien une dizaine d’années plus tôt. Un artiste, George Arnald, fixe la scène. Recopiée, diffusée, l’image du malheureux Norris ébranle les convictions des Britanniques et pèse d’un grand poids pour la création d’asiles au Royaume-Uni et dans ses colonies.
En 1801, le Bas-Canada vote une première loi pour financer l’incarcération des malades mentaux: c’est l’Acte pour le soulagement des personnes dérangées dans leur esprit et pour le soutien des enfants abandonnés. «Soulagement» est un grand mot. Le gouvernement finance la construction de cachots individuels comme ceux qui existent déjà. Il n’y a pas de traitement. Quand le malade est en crise, on l’immobilise et on l’enchaîne.
En 1824, le Conseil Législatif du Bas-Canada reçoit un rapport d’enquête sur le sort des malades mentaux. Dévastateur!
«Les cachots isolés des Soeurs grises font huit pieds de long, sept pieds six pouces de large et huit pieds de haut. Ceux des Ursulines et de Trois-Rivières font 8 pi X 6 pi X 8 pi. Les cellules ont chacune une petite fenêtre givrée d’un pied carré sur le mur extérieur, et dans les passages, il y a des ouvertures au-dessus de chaque porte. Les fenêtres laissent pénétrer la lumière, et lorsqu’elles sont ouvertes, un peu d’air frais.»
Le rapport recommande vivement la construction d’un asile d’une soixantaine de places au moins. Le rapport est tabletté pendant vingt ans.
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Une pionnière américaine, Dorothea Dix
En 1836, l’Américaine Dorothea Dix visite la Retraite York dirigée par Samuel Tuke, un descendant de William, qui poursuit la tradition des Quakers. Là, les patients sont encouragés à lire des livres et écouter de la musique. «Ce n’est pas parce qu’ils ont un trouble mental qu’ils sont insensibles à la gentillesse». Dix est impressionnée.
De retour au pays, elle visite des milliers de malades mentaux dans les prisons, les fermes et les refuges pour sans-abris à travers le Massachusetts. Elle est stupéfaite. Dans des conditions d’hygiène horrifiantes, les malades sont confinés, dans des cages, des placards, des caveaux, enchaînés, nus, battus à coup de bâtons ou fouettés jusqu’à l’obéissance.
Comment soigner un malade mental dans ces conditions? Elle se lance dans une croisade. Ses efforts amènent dix-sept états américains à bâtir des asiles ou à les agrandir.
Le premier juillet 1839, John Connolly prend les fonctions de médecin résident à Hanwell, le plus important asile du Royaume-Uni avec 800 lits. Comme ses collègues, il croit que la folie a des causes physiques mais il endosse le traitement moral. Très vite, il parvient à supprimer toute espèce de contention y compris la camisole de force. Si le patient est trop agité, on l’isole tout au plus dans une cellule pour quelque temps.
Jamais encore l’expérience n’avait été poussée aussi loin. L’opinion se passionne.
Une petite révolution est en train de se tramer: alors que, pendant des siècles, le sort réservé aux malades mentaux n’avait jamais troublé personne, il suscite, en quelques années, de plus en plus d’émoi dans la population. Les gouvernements quant à eux sont attentifs aux promesses des réformateurs. Leurs nouveaux asiles, radicalement différents de la prison ou de l’hôpital et réservés aux malades mentaux, permettront à plusieurs de guérir . . . et de faire des économies substantielles.
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Le temps des asiles
Un après l’autre, l’Angleterre, la France, l’Allemagne et les États-Unis sont convaincus qu’il faut construire des asiles.
Au Bas-Canada ça traîne et les conditions de détention empirent. À partir de 1831, les malades mentaux de la région de Montréal sont enfermés en prison. À Trois-Rivières et à Québec, les hôpitaux ne leur réservent qu’une vingtaine de cachots individuels. Le patient n’en sort qu’une fois tous les huit jours pour être conduit dans une autre cellule tandis qu’on nettoie la sienne.
Le premier septembre 1839, le gouvernement aménage dans l’édifice de la prison de Montréal un premier asile public et entièrement subventionné par l’État, le Montreal Lunatic Asylum (lunatique est un terme utilisé à l’époque pour désigner les malades mentaux). Pendant les six années de son existence, et pour la première fois au Québec, ceux qui ont des problèmes mentaux sont traités comme des malades. On y applique les méthodes des réformateurs. Ailleurs, rien ne change.
Ainsi, en 1845, le Grand Jury de la ville et du district de Québec s’indigne après une visite des cachots individuels.
«The misery endured by its outcast and infortunate inmates is extreme. Their filthy cells are even in this hot season quite damp and unfit for the habitation of even animals much less of human beings who in addition to an afflicting visitation of providence are then left in a continually putrid atmosphere, and with hardly a ray of light of Heaven to pine away and suffer an unmerited punishment which an incarceration in their horrible dungeons certainly is.»
Il faut remédier à la situation.
Le gouvernement fait appel au docteur James Douglas de Québec pour fonder en partenariat public-privé un premier asile à Beauport, en banlieue de Québec.
Le 15 septembre 1845, quatre-vingt-quinze « lunatiques » sont tirés du Montreal Lunatic Asylum, de la prison commune de Montréal et des cachots des hôpitaux de Québec et de Trois-Rivières pour être conduits au tout nouveau Quebec Lunatic Asylum (plus tard Saint-Michel-Archange).
Extrait du «Journal and Reminescences of James Douglas, M.D.”, ed. By his son James (1849)
«When they arrive in Beauport, they are still enchained, handcuffed and happy.
The asylum of Beauport Hospital reports:
The joy of the patients at their removal from their former cells is vividly portrayed. For many years, a lot of them were tied to staples driven in the floor of their cell.
«They were removed in open carriages and in cabs. They offered no resistance – on the contrary they were delighted with the ride; and the view of the city, the river, trees and the passer-by excited in them the most pleasurable emotions. On their arrival at the asylum of Beauport they were placed together at table for breakfast; and it was most interesting to witness the propriety of their conduct, to watch their actions, to listen to their conversation with each other, and to remark the amazement with which they regarded everything around them. All traces of ferocity, turbulence and noise had suddenly vanished; they found themselves again in the world and treated like rational beings; and they endeavoured to behave as such.
(….)
As soon as their muscular powers were sufficiently restored, the patients were induced to employ themselves in occupations the most congenial to their former habits and tastes. Some worked in the garden; others preferred sawing and splitting wood. The female patients were taken out daily, and many of them engaged in weeding the garden.
The effect of this system were soon apparent in their improved health and spirits; they became stronger, and ate and slept better. Some of them were restored to reason.»
Comme partout ailleurs, on est convaincu que ces nouveaux asiles, qui traitent les patients comme des êtres humains, pourront les guérir de leurs maladies mentales.
On y applique les recettes de Pinel et de Tuke. À l’isolement succède la vie communautaire; à la violence, le calme et la douceur; au régime de pain et d’eau, les bons repas. Finies la négligence et la brutalité, les machines à étourdir et faire vomir les malades. On prône des soins respectueux, du travail, des occupations, des loisirs et l’abandon de la rétention physique. On sépare les hommes des femmes, les incurables des guérissables, les violents des dociles. On permet aux lunatiques d’avancer, étape par étape, vers la sortie.
«L’asile (…) devait les rééduquer aux bonnes manières et leur redonner le goût d’une existence saine et laborieuse en attirant leur attention sur de nouvelles idées et de nouveaux plaisirs..»
André M. Paradis
Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 50, n° 4, 1997, p. 571-598.
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Révolution industrielle
Les villes grossissent. La prostitution et l’alcoolisme se répandent et, avec eux, certaines maladies mentales comme la psychose alcoolique et la neurosyphilis qu’on appelle alors paralysie générale.
Le traitement moral coûte cher et dépend beaucoup de la relation entre le médecin et le patient. Celle-ci ne peut s’épanouir que si les patients sont peu nombreux.
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Des asiles pleins à craquer
Malheureusement, à peine érigés, on remplit les asiles. Car les familles, les hospices et les refuges ne
gardent plus ceux qui ont des problèmes mentaux sérieux mais les envoient à l’asile. S’y ajoutent des exclus de tous genres, enfants handicapés, orphelins, malades chroniques, etc. Des hommes y font même enfermer leur femme parce qu’elle revendique ses droits!
L’asile Saint-Jean-de-Dieu (aujourd’hui Louis-H. Lafontaine) avait accueilli ses 112 premiers pensionnaires à l’été 1875. Vingt-cinq ans après son ouverture, c’est une mini-ville composée de plusieurs pavillons reliés entre eux par un train électrique.
Partout en Occident, les asiles débordent. En Allemagne, on compte 200 malades mentaux répartis dans 3 asiles en 1801, 45 000 et 552 asiles à la fin du siècle. En Angleterre, le chiffre passe de 10 000 à 100 000. Aux États-Unis, on compte 150 000 patients d’asiles en 1904.
Au début du siècle, enfermer un malade mental était une mesure rare, utilisée en dernier recours. Au cours du siècle, la pratique devient commune, puis routinière, et enfin inévitable. On avait créé les asiles dans le but d’y implanter le traitement moral de Pinel; ils deviennent des entrepôts.
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Un entrepôt peu coûteux
Dans la belle province, les asiles sont particulièrement peu coûteux. En effet, les subventions du gouvernement sont parmi les plus basses en Amérique du Nord et elles continuent de baisser tout au long du siècle.
Par exemple, les sœurs de la Providence, qui gèrent Saint-Jean-de-Dieu, reçoivent une subvention de 100$ par patient en 1875, subvention qui ne bougera plus pendant des décennies. Même chose pour l’asile Saint-Julien-de-Saint-Ferdinand-d’Halifax, qui ouvre ses portes au début des années 1880, et à l’asile de Beauport lorsqu’il passe des mains de ses médecins propriétaires à celles des sœurs de la Charité en 1893.
En clair, le gouvernement du Québec dépense beaucoup moins que l’Ontario ( 135$ par patient) ou que les États américains.
L’encombrement et le manque de personnel obligent le retour aux vieilles techniques pour maîtriser les patients agités: camisoles de force, cellules capitonnées, sédatifs, etc. Les patients sont battus, on leur crache dessus. On est pratiquement revenu à l’époque d’avant Pinel.
De temps en temps, le public apprend les conditions horribles dans les asiles. En 1906 par exemple, l’Américain Clifford Beers raconte dans “A Mind That Found Itself” sa vie dans les asiles.
Le livre provoque un scandale; les politiciens promettent des réformes, puis ça recommence. Les asiles continuent à se remplir. De nouveaux patients s’ajoutent aux anciens car il n’y a toujours pas de traitements efficaces pour soigner les maladies mentales.
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Observer pour mieux comprendre
L’asile devait permettre d’étudier la folie sous tous ses angles et «faire progresser la médecine autant que la science de l’esprit humain.» (André Paradis)¹
Depuis la fondation des asiles en Occident, les psychiatres passent leurs journées aux côtés de ceux qui souffrent de toute la gamme des désordres mentaux. Ils observent la forêt vierge de la folie, décrivent et cernent les symptômes des maladies mentales, tentent de les classer par maladies.
La classification est parfois raciste. En 1851, Samuel Cartwright, célèbre médecin sudiste, écrit dans le New Orleans Medical and Surgical Journal qu’il a identifié deux nouvelles maladies mentales parmi les esclaves. L’une d’elle est la drapetomanie qui pousse un esclave à s’échapper. Cartwright en identifie la cause, les maîtres. Ces derniers activent cette maladie en étant trop gentils avec leur “negroes”, les traitant comme des égaux” ce qui rend les pauvres esclaves confus, car Dieu veut qu’ils soient soumis.
Ainsi ils distinguent rapidement les épiletiques des autres patients. Ils décrivent aussi les monomanies, les folies centrées sur un seul objet comme les manies religieuses, la kleptomanie, la pyromanie, etc. Charcot décrit la maladie de Lou Gehring etc.
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Classer les désordres mentaux
Cette longue série d’observations culmine par la publication en 1893 par le psychiatre allemand Emil Kraepelin d’une première classification rigoureuse des maladies mentales.
Kraepelin regroupe une vingtaine de troubles psychologiques majeurs sous deux grandes catégories. Dans la première catégorie, les schizophrènes: une rupture avec la réalité, parfois une séparation entre les émotions et la pensée; elle commence jeune et se détériore. Dans la deuxième catégorie, les bipolaires: des périodes de comportement grandiose alternent avec la dépression. Le poète Baudelaire par exemple.
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Causes génétiques
Kraepelin distingue les troubles psychologiques majeurs, comme les psychoses, qui ont une cause biologique d’origine génétique et sont essentiellement incurables, des troubles psychologiques moins sévères, comme les névroses qui seraient causées par les expériences de la vie.
Les psychiatres comme Kraepelin rêvent de pouvoir un jour identifier la base pathologique des maladies mentales. Des décennies plus tôt, en 1822, le jeune Antoine Bayl n’a-t-il pas établi un lien entre des lésions visibles du cerveau et la paralysie générale progressive (neurosyphilis)? Alois Alzheimer n’a-t-il pas trouvé en 1906 ce qu’il appelle «des plaques séniles» dans le cerveau de ceux qui souffrent de démence prématurée?
On commence donc à identifier de plus en plus de maladies mentales. Mais de là à pouvoir les soigner…
Samuel Tuke avait dit à Pinel au début des années 1800 que la médecine ne pourra jamais rien faire pour les malades mentaux. Un siècle plus tard, en 1910, le psychiatre Georg Dobrick résume la situation ainsi: «On en sait beaucoup et on peut faire peu». Même Kraepelin doute qu’on puisse un jour vaincre les maladies mentales sévères comme la schizophrénie.
Il semble bien que Kraepelin ait raison. Après un siècle de travail acharné, les psychiatres ne peuvent toujours pas guérir les maladies mentales. C’est d’autant plus désespérant que les autres branches de la profession vont de succès en succès. La médecine générale par exemple, partie de rien ou presque avec la théorie des humeurs, a fait des pas de géants et guérit maintenant ses patients. Les chirurgiens, autrefois chirurgiens-barbiers, opèrent des patients sous anesthésie et grâce aux progrès de l’antisepsie, les réchappent.
Rien de tel chez les psychiatres. Ils ne peuvent pas grand chose pour leurs patients, sinon leur prescrire des bains, des douches et des calmants. Et encore, les drogues les plus efficaces, comme la morphine et l’héroïne, peuvent les rendre toxicomanes. Les bromures, puis les barbituriques (synthétisés par Bayer le jour de la Sainte-Barbara) les remplacent au début du siècle.
«Scrutant le miroir que leur tendait la médecine, les psychiatres ne pouvaient que se tordre les mains en signe de dépit.» (Les patients du Dr Cameron, Anne Collins, Éditions de l’Homme, 1990)
Sigmund Freud a inventé la psychanalyse, avec ses théories sur les mécanismes de défense du subsconscient, créant un scandale en affirmant que le désir sexuel est la principale motivation de la vie humaine.
La psychanalyse
C’est alors qu’un Viennois bouleverse l’étude des maladies mentales.
Neurologue, Sigmund Freud avait d’abord cherché les cellules nerveuses responsables des problèmes psychologiques. En vain. De plus en plus pessimiste, il finit par s’enthousiasmer pour une nouvelle voie que lui fait découvrir un collègue, Joseph Breuer. Celui-ci traite depuis des années, Anna O., une hystérique paralysée de trois membres. Hystérique, car Breuer ne peut trouver aucune cause physique à la paralysie. Toutefois, comme il le précise à Freud, à mesure qu’Anna raconte ses problèmes, les troubles diminuent. Elle-même appelle ce traitement «la guérison par la conversation». Breuer termine les entretiens par une séance d’hypnose.
Le cas d’Anna O. finit par convaincre Freud que les problèmes mentaux sont dus à des perturbations psychiques. Il cesse de chercher du côté des cellules nerveuses et décroche une bourse pour suivre les cours du célèbre neurologue Jean-Martin Charcot à l’École de la Salpêtrière de Paris. Charcot ne s’intéresse pas à «la guérison par la conversation» mais ses expériences sur l’hypnose fascinent Freud.
Durant l’hiver 1885-1886, Sigmund Freud suit, fasciné, les cours de Charcot. Par l’hypnose, Charcot provoque des tremblements, des paralysies, d’autres symptômes de l’hystérie. Puis, il les fait disparaître par le même moyen. Selon le professeur, certaines maladies mentales, l’hystérie par exemple, ne sont pas causées par des lésions organiques mais par des expériences traumatisantes.
De retour à Vienne, Freud ajoute l’hypnose à ses traitements habituels, bains, massages, cures de repos. Mais ça ne marche pas. Il décide alors de faire parler ses patients et de les écouter.
Si le patient dit tout, alors les répressions inconscientes, la base des névroses, seront libérées.
Pendant quelques années, Freud raffine sa théorie, une «science de l’inconscient» qu’il baptise en 1896, la psychanalyse. Freud met l’accent sur l’inconscient et croit que les névroses viennent de traumatismes sexuels vécus durant l’enfance. Essentiellement l’inceste. Puis en septembre 1897, il avoue à un ami qu’il n’y croit plus. Il remarque plutôt que ses patients se sont inventés des fantasmes érotiques étant enfants. Ce qu’il popularisera sous le nom de complexe d’Oedipe.
Mais si Freud croit que la psychanalyse peut traiter des névroses, il croit aussi qu’elle est contre-indiquée pour les psychoses. La schizophénie par exemple, a une composante organique qui échappe à la thérapie de la parole. Après sa mort, des psychanalystes comme Karl Menninger commenceront cependant à suggérer que névrose et psychose ne sont pas essentiellement différents et que cette dernière n’est qu’une version plus sévère du même problème.
Vers la fin de la Première Guerre mondiale, un autre Viennois fait une percée remarquable là où on n’attendait plus rien, chez les syphillitiques.
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Le cas unique de la syphilis
Les antibiotiques n’étant pas encore inventés, les syphillitiques ne guérissent tout simplement pas. De dix à vingt ans après la contamination, la maladie se transforme en neurosyphilis. Elle attaque alors le cerveau et les nerfs provoquant entre autres une paralysie partielle et des aberrations mentales qui se déclenchent parfois de façon spectaculaire. L’écrivain Nietzsche par exemple, qui à 45 ans, se jeta à la tête d’un cheval en hurlant. Il finit sa vie interné à Turin et cessa complètement d’écrire.
Au début des années 1900, les patients souffrant de syphillis avancée encombrent 20% des lits dans les asiles. Mais en 1905 on découvre enfin la cause: un micro-organisme dont on sait qu’il est sensible à la chaleur.
Des décennies plus tôt, le docteur Julius Werner Von Jauregg avait constaté la nette amélioration mentale d’un patient syphillitique qui venait d’avoir une forte poussée de fièvre. Cette fièvre pourrait-elle être thérapeutique? Von Jauregg se dit qu’il pourrait tuer le micro-organisme en faisant grimper la température de son patient, bref, en lui donnant la fièvre.
En mai 1917, il fait une première tentative avec la tuberculine, extraite du bacille de la tuberculose. Il obtient une rémission de la syphilis, mais le produit est trop toxique. Il regarde ensuite du côté de la malaria, une maladie qui cause une fièvre qui peut être contrôlée avec de la quinine. Il pourrait injecter à un patient syphilitique le sang d’une victime de la malaria. En juin 1917, les planètes sont alignées: Von Jauregg reçoit un patient, acteur de 37 ans, à un stade avancé de la syphilis. Si rien n’est fait, il deviendra complètement dément. Il accueille en même temps un soldat revenu de la guerre des Balkans. Il a la malaria.
C’est un succès. Bien sûr, son traitement ne guérit pas la syphillis de l’acteur, mais il empêche son cerveau de continuer à se détériorer. C’est la démonstration définitive qu’une maladie mentale sévère peut être guérie.
Au moins une.
«Les résultats sont jusqu’ici inespérés mais les risques de ce traitement restent élevés.»
– Dr Charles-Saluste Roy, Saint-Michel-Archange, 1929
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Il faut en effet la compatibilité du sang et la bonne malaria.
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L’espoir amené par la syphilis
Chez les psychiatres, l’espoir revient. Si on peut traiter la psychose causée par la syphillis, peut-être peut-on traiter d’autres maladies mentales causées par une bactérie ou un virus? C’est ce que croit le psychiatre Henry Cotton.
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La folie: une infection bactérienne?
Administrateur du Trenton State Hospital ( New Jersey) Henry Cotton est convaincu d’avoir trouvé LA cause des troubles psychiques de ses patients.
Selon lui, les maladies mentales sont déclenchées par des infections bactériennes qu’il localise un peu partout. En 1916, ce sont les dents, qu’il arrache. On reconnaît d’ailleurs ses patients facilement: ils sont tous édentés. Un an plus tard, il se tourne vers les amygdales… qu’il enlève. Au cours des années qui suivent, lui et ses collègues extrairont thyroïde, ovaires, segments de côlon, d’estomac et même d’utérus sur ces patients. Beaucoup d’entre eux ne survivront pas à ses soins.
En juin 1922 le New York Times écrit au sujet de Dr. Henry A. Cotton et de l’hôpital de Trenton « under the brilliant leadership of the medical director, there is on foot the most searching, aggressive, and profound scientific investigation that has yet been made of the whole field of mental and nervous disorders.” Et il cite Cotton, «there is hope, high hope … for the future.”
Bien que ses travaux aient régulièrement été considérés comme controversés par ses pairs, Henry Cotton a pu faire ses expériences pendant des années. Le psychiatre finira par se voir interdit de pratique au terme d’une longue enquête. Il aura causé des centaines de morts et des milliers de mutilations. Parmi ses victimes, ses deux fils, à qui il a enlevé toutes les dents par mesure prophylactique, et qui plus tard, se suicideront.
En réalité, peu de problèmes mentaux sont causés par une bactérie ou un virus. Alors on essaie n’importe quoi: des bains chauds, l’air chaud, des psychothérapies dérivées de la psychanalyse, etc.
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La cure de sommeil
Des spécialistes suisses combinent plusieurs somnifères pour provoquer chez les malades des périodes de sommeil de plusieurs jours. On traite ainsi les malades très déprimés, ceux qui sont atteints d’excitation maniaque ou de délire aigu, ainsi que tous les épuisés par surmenage, insomnie ou privation de nourriture. Au réveil, il sont frais et dispos, mais ça ne dure jamais longtemps.
À partir des années 30, les psychiatres sont découragés: à part les syphilitiques, ils ont perdu à peu près tout espoir de guérir les malades mentaux. Ils réalisent qu’ils ne peuvent rien faire de plus que de rendre leurs patients confortables, faire un suivi avec les familles et, dans le cas d’une rémission spontanée, les retourner chez eux.
Mais d’autres vont prendre les grands moyens et s’attaquer, physiquement, au cerveau des malades.
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La grande surprise de l’insuline
Depuis trois ans, le psychiatre Manfred Sakel pratique à Berlin dans une clinique privée pour morphinomanes. Ses patients sont d’une maigreur extrême car, indifférents à tout, ils sont particulièrement réfractaires à toute alimentation. Comment leur donner de l’appétit? En 1936, Sakel a l’idée de leur injecter de l’insuline laquelle, en réduisant le taux de sucre circulant dans le sang, provoque une sensation de faim. Surviennent alors des accidents imprévus: les patients ont des convulsions et tombent même dans le coma. Curieusement, ces complications ont des effets bénéfiques: les morphinomanes retrouvent l’appétit, leur état général s’améliore et ils émergent de leur indifférence.
Sakel songe alors à utiliser l’insuline avec d’autres apathiques, des schizophrènes. Mais il y a plusieurs problèmes: le traitement dure facilement plusieurs semaines, exige d’infinies précautions et une surveillance étroite pour qu’on puisse sortir à temps le patient du coma. De plus, on ne peut l’utiliser qu’avec un petit nombre de malades. Mais c’est un succès et le traitement par insuline est le premier à avoir un effet positif sur la schizophrénie.
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Les bienfaits des convulsions
À la même époque, Ladislas Von Meduna remarque que des schizophrènes présentent de remarquables améliorations après des crises d’épilepsie. Il a alors l’idée de provoquer artificiellement des convulsions.
Le 23 novembre 1933, alors que Sakel fait un rapport verbal à la société médicale de Vienne, Meduna injecte du camphre à des animaux. Deux mois plus tard, il l’essaie sur Z., 33 ans, un patient qui entend des voix, puis sur des malades catatoniques. Mais les convulsions sont tellement violentes que les patients se rompent les os. Il remplace donc le camphre par le métrazol, un cardiotonique.
Plus efficace que le camphre, le métrazol agit sur le caractère et les comportements. On découvre vite ses effets sur toutes sortes de malades mentaux, entre autre les bipolaires, les anxieux et les schizophrènes. Le métrazol ne guérit pas complètement la maladie, mais le patient peut effectuer des tâches dans un lieu public.
Dans un traité sur le traitement par les chocs publié en 1943, le docteur Charles-Saluste Roy écrit que le métrazol est en train de devenir le médicament le plus populaire pour traiter toutes sortes de psychoses.
Cependant, le métrazol comporte son lot de problèmes. D’abord, il ne produit pas toujours une crise d’épilepsie. Ensuite, il cause souvent des fractures. Enfin, il ne convient pas à tous les patients; on ne peut s’en servir par exemple, avec les patients atteints du cœur.
Quoi qu’il en soit, les traitements par la fièvre, par l’insuline et par métrazol se répandent en Europe et en Amérique.
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Le choc électrique
Dès 1937 se tient en Suisse une première réunion internationale pour faire le point sur «les traitements modernes». Parmi les congressistes, un Italien, Lucio Bini, délégué par Ugo Cerletti de l’Université de Rome.
Les deux sont d’autant plus intéressés par les convulsions qu’ils ont leur petite idée pour les provoquer: l’électricité. Il suffirait de faire passer un courant alternatif dans le cerveau pour produire une perte de conscience suivie de convulsions.
Première étape, les abattoirs de Rome. Les deux psychiatres font des essais sur des porcs. À chaque fois les porcs perdent conscience, ont des convulsions. Et à chaque fois, les porcs se réveillent rapidement et recouvrent leur comportement normal. Cerletti est confiant de pouvoir reproduire l’effet avec un être humain.
En avril 1938, un homme en plein délire dans une gare de Rome est arrêté par la police, puis conduit à la clinique de Cerletti. Celui-ci examine l’homme, un ingénieur de Milan, 38 ans, et diagnostique une schizophrénie délirante. Il lui fait alors une série de onze traitements électriques. Miracle: une rémission spectaculaire et durable s’ensuit. La même année, devant l’académie de médecine de Rome, Cerletti présente les résultats de sa nouvelle méthode, les électrochocs.
Pourtant, à force d’essais, on découvre que les électrochocs sont peu efficaces pour traiter les symptômes de la schizophrénie; par contre, ils neutralisent 90% de ceux des dépressions sévères.
Ainsi, à la fin des années 30, les psychiatres ont quatre nouveaux outils, plus ou moins efficaces, pour lutter contre les maladies mentales sévères: la fièvre pour traiter la démence des syphillitiques, l’insuline et le cardiozol pour la schizophrénie et l’électrochoc pour la dépression.
Il faut ajouter depuis 1935, une nouvelle procédure chirurgicale, rapide, souvent efficace, et qui va révulser le monde entier, la lobotomie.
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Le chirurgien et le pic à glace
Lors d’une conférence neurologique à Londres en 1935, un spécialiste raconte son expérience avec deux chimpanzés entrainés à trouver des solutions à un problème. Quand ils réussissent, on leur donne de la nourriture. Quand ils échouent, frustrés, ils se mettent à trembler, renversent leur boîte et s’arrachent les poils. Mais après une lobotomie -l’amputation du lobe frontal- les animaux, bien que moins agiles à résoudre les problèmes, ne sont plus frustrés lorsqu’ils ratent leur coup.
Dans l’auditoire, un neurologue de Washington, Walter Freeman et le neurologue portugais Egas Moniz écoutent attentivement. Il se demandent si on ne pourrait pas essayer cette chirurgie sur des êtres humains.
Deux mois après la conférence, le 12 novembre 1935, Moniz et un chirurgien tentent une première lobotomie sur une femme de 63 ans avec une longue histoire de maladie mentale. Moniz n’a pas demandé sa permission. On sectionne les nerfs qui relient son lobe frontal au reste du cerveau afin d’en limiter les échanges. L’opération est longue, mais, selon Moniz, les résultats sont satisfaisants. Poussé par son désir de devenir une vedette médicale, Moniz a brisé toutes les règles éthiques.
Personne ne lui en a fait le reproche. On veut tellement trouver un moyen de sortir les malades mentaux des asiles!
Pour sauver du temps, l’Américain Walter Freeman inaugure une nouvelle procédure plus rapide et plus simple. Avec un petit maillet, il enfonce un pic à glace au-dessus de l’orbite oculaire des patients afin de détruire des masses de tissus cervicaux. Freeman se vante de pouvoir ainsi guérir les psychoses des malades mentaux en moins de 15 minutes.
Au même moment, des pays ne croient plus à la guérison des malades mentaux et décident tout simplement de les stériliser.
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Des vies moins importantes que d’autres
Depuis des décennies on cherchait des liens entre l’hérédité et les maladies mentales. Sur cette question était née une nouvelle «science», l’eugénisme. Le mot vient du grec et signifie «bien né». Vers le début du 20e siècle, sous l’influence des eugénistes, des médecins et des scientifiques font le lien entre hérédité et santé publique. De là à conclure que certains individus ne devraient pas avoir d’enfant, il n’y a qu’un pas . . . qu’ils franchissent rapidement.
On est convaincu qu’il faut faire quelque chose. La solution sera de stériliser de force les déficients et les malades mentaux.
En 1927, l’Eugenics Record Office ouvre ses portes à Cold Spring Harbor dans l’état de New York. Dans les années qui suivent, la stérilisation obligatoire est mise en place aux États-Unis. En tout, 17 États interdisent aux épileptiques de se marier. Ils sont imités par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon et le Canada.
Emily Murphy, la première femme magistrat du Canada, qui à elle seule a fait interdire le cannabis au pays, proclame que les mauvais gènes constituent un danger. «Les aliénés n’ont pas de droit à la postérité». Dès 1928, l’Alberta crée une commission de l’eugénisme qui a le pouvoir d’autoriser la stérilisation des individus. De 1929 à 1972, 2822 personnes seront stérilisées.
Le film Tomorrow’s Children (1934) raconte ce chapitre noir de l’histoire du Canada. Une jeune femme désire épouser son fiancé et avoir des enfants. Mais les autorités sanitaires ont décrété que sa famille, composée de parents alcooliques et d’une fratrie handicapée, criminelle ou atteinte de problèmes mentaux, était dégénérée. La cour ordonne qu’elle se fasse stériliser afin d’éviter que ses gènes défectueux ne se propagent.
Henry F. Perkins, professeur de zoologie, a dressé l’arbre généalogique de plusieurs familles “dégénérées”, pauvres ruraux, Abénakis et Canadiens-français de l’État du Vermont. Le but: les stériliser.
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Alexis Carrel
En 1935, Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine, chirurgien et physiologiste français, publie un ouvrage qui connaît un grand succès: L’homme cet inconnu. Que dit Carrel ?
«Le coût des prisons et des asiles d’aliénés, de la protection du public contre les bandits et les fous est, comme nous le savons, devenu gigantesque.
Un effort naïf est fait par les nations civilisées pour la conservation d’êtres inutiles et nuisibles. Les anormaux empêchent le développement des normaux. Il est nécessaire de regarder ce problème en face. (…) Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l’individu sain. Les systèmes philosophiques et les préjugés sentimentaux doivent disparaître devant cette nécessité.
La sélection naturelle n’a pas joué son rôle depuis longtemps et beaucoup d’individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l’hygiène et de la médecine».
En 1936, alors que les Nazis sont au pouvoir, il écrit dans la préface de l’édition allemande de son livre : « En Allemagne, le gouvernement a pris des mesures énergiques contre l’augmentation des minorités, des aliénés, des criminels. La situation idéale serait que chaque individu de cette sorte soit éliminé quand il s’est montré dangereux ».
L’Opération T4
En octobre 1939, un mois après le début de la guerre, dans une semi-clandestinité, un petit groupe d’«experts», mené par un haut fonctionnaire nazi, Philipp Bouhler et Karl Brandt, le médecin personnel d’Hitler, identifient les «vies sans valeur» qui seront sacrifiées: les patients déficients, les malades mentaux, les schizophrènes, les épileptiques et les séniles. Le bureau du groupe est au numéro 4 de la rue Tiegerstrasse, ou T4, qui donne son nom à l’Opération. Hitler donne le feu vert en janvier 1940. L’équipe est prête.
Arrachés à leurs asiles, les malades sont conduits dans une demi-douzaine de centres d’euthanasie spécialement aménagés (Grafeneck, Hartheim, Brandeburg, Hadamar). Ces «bouches inutiles», comme disent les nazis, sont exterminées par gazage, piqûres, etc., puis incinérés. Une lettre officielle envoyée aux proches explique le décès de différentes façons, surtout par épidémie.
Août 1941. Hitler a mis l’Europe à genoux. Il vient d’envahir l’URSS. Près de 70 000 personnes sont déjà euthanasiées en Allemagne; 60 000 autres sont regroupées en vue de leur discrète élimination.
Mgr Clemens August von Galen, évêque de Münster, est mis au courant et décide d’intervenir. Il ne se fait pas d’illusions: s’il parle, il risque d’être arrêté comme «ennemi du peuple allemand» et exécuté.
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Le sermon
Le 3 août 1941, à la cathédrale de Münster, Mgr von Galen dénonce le massacre des «improductifs». Il s’écrie:
«Il s’agit d’hommes et de femmes, notre prochain, nos frères et soeurs! De pauvres êtres humains malades. Ils sont improductifs, si vous voulez, mais cela signifie-t-il qu’ils ont perdu le droit de vivre? Si l’on pose et met en pratique le principe selon lequel les hommes sont autorisés à tuer leur prochain improductif, alors malheur à nous tous, car nous deviendrons vieux et séniles! Alors aucun homme ne sera en sûreté: n’importe quelle commission pourra le mettre sur la liste des personnes «improductives», qui, selon leur jugement, sont devenues «indignes de vivre». (…) On ne peut s’imaginer la dépravation morale, la méfiance universelle qui s’étendront au coeur même de la famille, si cette doctrine terrible est tolérée, admise et mise en pratique. Malheur aux hommes, malheur au peuple allemand si le saint commandement de Dieu, «Tu ne tueras pas» (…) si ce commandement n’est pas seulement violé mais sa violation tolérée et exercée impunément!»
Le sermon de Mgr von Galen est publié clandestinement et diffusé largement en Allemagne comme à l’étranger. Onde de choc chez les dirigeants nazis: Goering l’accuse de «saboter la force de résistance du peuple allemand au beau milieu de la guerre». Hitler envisage de le faire pendre mais le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, lui conseille de ne pas braquer les chrétiens allemands et d’attendre la victoire finale.
Le 23 août, Hitler suspend l’Opération T4. Le personnel est recyclé et embauché comme équipe «technique» pour la solution finale des Juifs.
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Fin de la stérilisation
Après la guerre, plus aucun gouvernement n’ose parler d’eugénisme, encore moins de stérilisation. Mais l’Alberta continue discrètement à stériliser des malades mentaux.
Les malades mentaux continuent de croupir dans les asiles. Alys Robi explique dans «Un long cri dans la nuit: 5 années à l’asile »: «Pour bien comprendre la situation, il faut se reporter à la fin des années quarante. À l’époque, le fait d’être hospitalisé dans un établissement comme Saint-Michel-Archange, c’était une déchéance totale. On devenait instantanément un paria de la société. On nous cachait comme si on devenait tout à coup des pestiférés.»
Dès les années 1950, on commence à avoir de sérieux doutes sur la lobotomie et sur les asiles. Des reportages et des films comme La fosse aux serpents, Bedlam, Philadelphia State Hospital révèlent une fois encore la triste situation des malades mentaux condamnés pour beaucoup à mourir à l’asile. Un certain Dr Clark raconte sa visite dans un asile:
«Une grande pièce remplie de patients, des bancs vissés au sol, des tables de bois, rien qui ne puisse être bougé (…) Une odeur d’urine, de cire à plancher, de choux bouillis, de savon carbolique, l’odeur de l’asile (…) Les femmes portent des vêtements en coton renforcé qui ne peuvent être déchirés, des “locked boots” qu’on ne peut enlever et jeter, tous les cheveux sont coupés courts.»
Alys Roby: « C’était un véritable ENFER. C’était la PEUR, présente chaque jour… C’était la peur des traitements, la peur d’être battue, la peur des piqûres, la peur des électrochocs, la peur des drogues, mais surtout la PEUR d’être enfermée là pour le reste de ses jours, sans espoir d’en sortir»
Mais le public américain commence à être mieux informé. Pendant la guerre, les objecteurs de conscience ont été envoyés travailler dans les asiles et révèlent le triste sort des patients. En 1946, le journaliste Albert Deutsch, qui avait connu Clifford Beers, enquête sur les asiles. Accompagné d’un photographe, il visite plusieurs asiles. Son livre, publié en 1948, The Shame of the States, dévoile des horreurs.
Le seul espoir, la lobotomie
Walter Freeman affirme qu’il a la solution: les lobotomies «en série». Il parcourt les États-Unis et le Canada dans un autocar équipé pour les pratiquer. Partout où il passe, il répand l’évangile de ses bienfaits. Les magazines Life et Time le photographient en pleine action, avec un pic à glace sortant du crâne de ses patients. La première lobotomie est pratiquée au Québec en 1946 à l’Hôpital de Verdun (Institut Douglas), puis est introduite à Saint-Michel-Archange.
Mais Freeman ne parle jamais publiquement de ses échecs et peu de médecins osent questionner l’efficacité de la lobotomie. Pourtant, la lobotomie reste très risquée: taux élevé de mortalité et plusieurs infections post-opératoires. Des patients dont on a sectionné des nerfs par erreur sont plongés dans un état végétatif.
Les connaissances sur le cerveau sont alors minimales et l’amélioration visible des patients est trompeuse. Bien sûr, les tourmentés semblent apaisés, les agités, calmés, mais comme le résume le Dr Alistair Munro, psychiatre retraité d’Halifax.
«But, the overwhelming impression was that those who were claimed to be doing better were really people who were emotionally dead. They were no longer a problem but they were left without a soul»
Lobotomy: the insane procedure. A history of this «therapy» for the mentally ill
Grant, Dorothy. Medical Post (Sep 11, 2001): 26-27
Entre 1945 et 1954, quelque 100 000 patients sont lobotomisés dans le monde dont la moitié aux États-Unis. Freeman lobotomise à lui seul entre 2 500 et 3500 patients.
Comme le reconnaît le Dr Elliot Valenstein, auteur de Great and Desperate Cures: «There were some very unpleasant results, very tragic results and some excellent results and a lot in between”
C’est que ces méthodes sont encore expérimentales en plus d’être invasives et violentes. Elles traduisent le désespoir de psychiatres bien intentionnés, mais imprudents, qui veulent faire quelque chose pour la masse de patients oubliés dans les asiles.
Au milieu du 20e s., il y a par exemple 500 000 patients aux États-Unis.
Au Québec:
- 7000 à Saint-Jean-de-Dieu
- 2000 à Saint-Michel-Archange
- 1500 au Douglas Hospital de Verdun
- près de mille à Saint-Ferdinand d’Halifax
- 820 à l’Hôpital Sainte-Anne à Baie Saint-Paul.
Mais ces méthodes réflètent aussi l’impuissance des patients qui font office de cobayes.
Créer la folie à Montréal
En 1950, les Nord-Coréens attaquent leurs voisins du sud. Les Américains viennent à la rescousse et certains sont faits prisonniers. Puis, à l’étonnement général, certains de ces prisonniers dénoncent violemment à la radio communiste leur gouvernement et leur patrie. Comment l’ennemi a-t-il pu prendre ainsi le contrôle du cerveau de soldats américains? Les États-Unis sont convaincus que les Russes ont mis au point des techniques de lavage de cerveau. Le président exige des explications d’urgence. La Central Intelligence Agency (CIA) subventionne aussitôt des recherches pour comprendre comment on peut manipuler un cerveau. L’une des plus importantes a lieu à Montréal.
En 1951, la CIA et un groupe de psychiatres se seraient donc retrouvé à Montréal pour préparer le projet Blue Bird et mettre sur pied des techniques de lavage de cerveau. Le psychiatre Ewen Cameron, directeur du Allan Memorial et ancien colonel de l’armée américaine, reçoit 25 M$ de la CIA pour procéder à ces expériences sous le couvert de traitements thérapeutiques. Le programme est soutenu par le gouvernement canadien.
Cameron a déjà sous la main des patients atteints de diverses maladies mentales. Entre 1956 et 1963, le Dr Cameron va essayer de «déprogrammer» le cerveau de certains patients pour le reconstruire comme il le veut.
Ils sont soumis à des chocs psychiatriques extrêmes. Sous l’effet de barbituriques et de LSD, les sujets sont abrutis par des messages enregistrés à répétition. Cameron leur prescrit un sommeil prolongé de plusieurs jours, des douches chaudes ou glacées et des doses massives d’électrochocs, d’une ampleur de 20 à 40 fois plus élevée que ce qui est normalement prescrit. Les séances durent en moyenne cinq heures par jour, cinq jours par semaine.
La psychanalyse
Durant les années 40, les psychanalystes deviennent puissants et influents car ils ont la réputation de pouvoir traiter un large éventail de maladies mentales. Les romans, les pièces de théâtre, les films mettent en vedette des disciples de Freud qui découvrent, souvent grâce à l’hypnose, les conflits profondément enfouis à la source du problème. On peut y voir des cas de soldats devenus aveugles ou paralysés, soudainement guéris par la psychiatrie en profondeur. Les spectateurs commencent à penser que la psychanalyse va significativement soulager la maladie mentale.
Mais aucun psychanalyste n’est capable de traiter les maladies mentales les plus sévères: schizophrénie, trouble bipolaire, dépression et anxiété. Devant cette impuissance, les psychanalystes vont commencer dès les années 50 à blâmer les parents, particulièrement les mères, pour la schizophrénie de leurs enfants.
En même temps, apparaissent les thérapeutes qui se considèrent parfaitement capables de pratiquer différentes formes de «thérapie par la parole».
Puis, l’univers de la psychiatrie bascule.
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Le temps des camisoles chimiques
Dans les années cinquante, la pharmacie d’un asile comprend de l’aspirine, des antibiotiques, des antiépileptiques et des calmants en tout genre.
Le temps des camisoles chimiques commence avec le patient W.B. de l’hôpital Repatriation Mental de Bundoora en banlieue de Melbourne.
«Il est agité, ne dort pas, est irrationnel et saute d’un sujet à l’autre. Il est sale et destructeur, bruyant le jour comme la nuit.» -Rapport sur le patient W.B.
W.B a alors cinquante ans, mais son dossier est ouvert depuis son enrôlement à l’âge de 17 ans dans l’armée australienne. Son humeur oscillant constamment entre l’exaltation et la dépression, il est obligé de quitter l’armée. Pendant les décennies qui suivent, il est hospitalisé régulièrement; il passe d’un état «calme et docile» à «malicieux, imprévisible, loquace et fourbe». L’épisode le plus mémorable survient en 1931 alors qu’il quitte l’hôpital psychiatrique en pyjamas, entre dans un cinéma et commence à chanter devant les spectateurs.
En 1948, W.B. entame sa cinquième année à Bundoora. Diagnostiqué bipolaire, il est, de l’avis unanime de tout le personnel, le patient le plus perturbateur de tout l’hôpital.
Le Dr John Cade, 37 ans, dans le cadre d’expériences n’ayant aucun lien avec W.B., injectait déjà les composantes de l’urine (urée, acide urique etc.) à des cochons d’Inde. Pour rendre l’acide urique soluble pour l’injection, il le mélange avec le lithium, Puis, par curiosité, il injecte le lithium seul et remarque que les cochons deviennent léthargiques …
Après avoir expérimenté le lithium sur lui-même, Cade l’administre à dix déprimés, six schizophrénes et trois bipolaires, dont W.B.
Du jour au lendemain, le comportement de W.B. change du tout au tout. Il devient un homme agréable et plein d’énergie. Deux mois après le début du traitement, il quitte l’hôpital et trouve un travail.
Le Dr Cade essaie le lithium avec des schizophrènes, mais le remède est beaucoup moins efficace. La théorie de Kraepelin, à savoir que les deux désordres sont distincts, semble se confirmer.
Le Dr Cade publie sa découverte dans un article auquel on prête peu d’attention. Cade est peu connu, l’Australie est loin. Le lithium a des effets secondaires, certains sérieux.
Ce n’est qu’en 1954 que le Danois Mogen Chou, établira la dose adéquate et fera connaître le remède. Mais le lithium ne sera pas prescrit avant une quinzaine d’années. Le psychiatre H.E. Lehmann de l’hôpital Douglas sera un des premiers à l’essayer en Amérique, en 1970.
En 1970, Frances, une trentenaire, est admise à l’unité du Dr Lehman. Elle en est à sa 12e visite. Frances est agitée, survoltée et souffre d’hallucinations. Dr Lehman convainc son supérieur d’essayer le lithium. Une infirmière doit aller à l’autre bout de la ville pour en trouver car l’hôpital n’en a pas.
«Ten days later Frances was coherent and talked in a normal way. (…) We discharged Frances on lithium , and she remained on it for the rest of her life, never needing to be hospitalized again.»
P. 95 «Before they called it psychopharmacology: Building on a proud past 50 years of Psychiatry at McGill.»
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Au tour de la schizophrénie
Pour calmer ses patients après une opération et diminuer le choc post-opératoire, l’anesthésiologiste français Henri Laborit teste un nouveau produit, la chlorpromazine. À sa grande surprise, les patients sont effectivement calmés, mais avant l’opération. Plus tard, des collègues de l’Hôpital militaire de Paris, Delay et Deniker en font l’essai sur des patients psychiatriques. Le premier qu’ils ont en tête est un schizophrène de 58 ans, l’ouvrier Giovanni.
Giovanni passe rarement inaperçu, même à Paris car il se bat régulièrement avec des étrangers, fait des discours enflammés dans les cafés, etc. Les médecins lui administrent, à lui et à 37 autres patients, de la chlorpromazine. Les médecins sont stupéfiés: le médicament a complètement modifié le comportement de Giovanni. D’incontrôlable, il devient calme et après quelques jours, il peut avoir une conversation avec les médecins et faire des blagues. Après trois semaines, il apparaît assez normal pour obtenir son congé. Les autres patients aussi.
Le psychiatre montréalais H.E. Lehmann introduit le médicament en Amérique du Nord.
Polyglotte, H.E. Lehmann lit régulièrement les revues spécialisées européennes. C’est ainsi qu’il apprend l’expérience de Delay et Deniker en France. Lehmann fait des essais cliniques à l’hôpital Douglas avec des résultats surprenants.
« I immediately set up a clinical trial of chlorpromazine with some psychotic patients, most of them schizophrenic. Within days, some of the patients had stopped hallucinating and within 2 weeks a few were in remission and ready to leave the hospital. I assumed we were seeing a series of flukes, perhaps resulting from an extremely strange chance selection in the sample. It seemed almost as improbable as winning one million dollars twice in a lottery. (…) It did not cross our minds that the new drugs might help the chronic backward patients, those who had not responded to insulin, coma and ECT. (….) to our amazement, some of them actually went into remission.» P. 49 «Before they called it psychopharmacology: Building on a proud past 50 years of Psychiatry at McGill.»
En 1953, l’Hôpital Saint-Michel-Archange traite 230 patients avec la chlorpromazine. En quelques jours, des patients agressifs, destructeurs et confus, sont capables de s’asseoir calmement, l’esprit clair et de discuter rationnellement de leurs hallucinations et délires passés. En quelques années la chlorpromazine est prescrite à des millions de patients à travers le monde et transforme le traitement de la maladie mentale.
L’atmosphère dans les asiles change du jour au lendemain. Le premier indice, qui frappe même le visiteur occasionnel, c’est le silence dans les allées bondées des asiles. Les patients ne sont plus seulement libérés de la camisole de force mais de l’hôpital.
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Les psychiatres ont maintenant des médicaments majeurs, efficaces, contre deux types sévères de maladies mentales. La psychanalyse commence sa longue descente vers l’oubli.
Bien sûr, ni le lithium, ni la chlorpromazine ne guérissent les maladies qui causent les psychoses, mais ils en gomment les symptômes. Les bipolaires et les schizophrènes peuvent désormais sortir de l’hôpital psychiatrique et mener une vie relativement normale. Mais ils ne représentent qu’environ 2% des patients psychiatriques. Les autres types de maladies mentales frappent beaucoup plus de monde.
C’est alors que Roland Kuhn, psychiatre dans un petit hôpital suisse, demande à Geigy si elle a de nouvelles drogues antipsychotiques qu’il pourrait essayer avec des schizophrènes. La compagnie lui envoie de l’imipramine dont la formule chimique ressemble beaucoup à celle de la chlorpromazine. Le docteur Kuhn constate rapidement que la drogue n’a aucun effet sur les schizophrènes; mais chez les patients qui sont également déprimés il y a une amélioration remarquable: les symptomes de dépression disparaissent en trois semaines. Kuhn vient de découvrir le premier antidépresseur.
Il publie ses observations dans le Schweizerische Medizinische Wochenschrift . Parmi les lecteurs, Heinz Lehmann qui demande des échantillons d’imipramine à la compagnie. Les tests au Douglas sont concluants. En 1958, les laboratoires Geigy lancent sur le marché le premier médicament efficace contre la dépression.
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L’arrivée des tranquilisants
Contrairement aux autres maladies mentales, les psychiatres possèdaient déjà des outils efficaces contre l’anxiété. Mais le problème avec les barbituriques, l’opium et ses dérivés la morphine et l’héroïne, c’est la forte dépendance qu’ils créent chez le patient.
Le méprobamate est le premier tranquilisant à susciter une frénésie populaire. On le produit dans la ville de Miltown en 1955 ce qui lui donne son nom. En 1956, un Américain sur 20 l’utilise. Mais on lui découvre des effets néfastes.
Les chimistes se mettent à l’oeuvre pour le remplacer, et en 1960, la compagnie Hoffmann-Laroche met sur le marché le Librium, de la famille des benzodiazépines. Trois ans plus tard, elle produit une molécule plus puissante, le diazépam. Sous son nom commercial «Valium», il devient dans la décennie le médicament le plus prescrit au monde.
D’autres molécules de la même famille que le Librium et le Valium, comme le Xanax et l’Ativan viendront s’ajouter à l’énorme panoplie des tranquilisants. Les conséquences sont énormes. En gériatrie par exemple, on peut enfin aider des patients âgés avec des idées paranoïaques; on peut aussi éviter l’hospitalisation des déprimés chroniques. C’est remarquable!
«For the first time in history, we had drugs that suppressed hallucinations and delusions, drugs that could bring some chronic psychotic patients back to remission, drugs that could prevent psychotic relapses (…)» p.51«Before they called it psychopharmacology: Building on a proud past 50 years of Psychiatry at McGill.»
En l’espace de dix ans, on a découvert des médicaments pour les principales maladies mentales: les antipsychotiques (aussi appelés neuroleptiques), les antimaniaques, les antidépresseurs et les tranquilisants.
Toutes ces découvertes mettent fin aux traitements de choc dans les hôpitaux psychiatriques. Finis les comas forcés, les élecrochocs, les convulsions et les lobotomies. Des médicaments sont maintenant disponibles pour traiter l’agitation et les hallucinations. Les malades mentaux, internés depuis de longues années, retournent dans leur famille et deviennent des malades comme les autres.
Alors, et alors seulement, on commençe à avoir moins peur de la folie.
C’est ce moment que choisissent des psychiatres pour s’attaquer à leurs collègues et aux asiles, allant jusqu’à mettre en doute l’idée même de folie. Le temps de l’antipsychiatrie vient de sonner.
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L’antipsychiatrie: finies les folies
Tout le climat des années 60 est hostile à l’autorité. C’est l’époque de la contre-culture et des protestations étudiantes contre la guerre au Vietnam. Au Québec c’est la Révolution tranquille.
Jean-Charles Pagé aurait pu se taire pour qu’on oublie qu’il sort de l’ «asile des fous». Il préfère devenir le porte-parole des « hommes sans voix ». En 1961, J.-Charles Pagé, 28 ans, ex-patient de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, publie Les fous crient au secours! Postfacé par le Dr Camille Laurin, l’ouvrage va marquer l’histoire de la psychiatrie québécoise.
Dès sa sortie, 40 000 exemplaires sont vendus.
Pendant la décennie 1950, le nombre de psychiatres au Québec est passé de 15 à 170; tous veulent des changements majeurs.
Un mois plus tard, le gouvernement Lesage met sur pied la Commission Bédard chargée d’enquêter sur les hôpitaux psychiatriques. Son rapport, déposé le 9 mars 1962, recommande entre autre la désinstitutionnalisation,
« convaincue que des centaines de malades continuent d’habiter nos hôpitaux mentaux, alors que leur état mental ne requiert pas l’hospitalisation.»
La même année, le sociologue américain Ervin Goffman va beaucoup plus loin dans son livre Asylum, basé sur ses observations d’un grand hôpital psychiatrique. Il décrit l’environnement des hôpitaux psychiatriques comme des prisons ou des camps de concentration, «créant autant de symptômes qu’il en soigne».
Au début des années 1960, des psychiatres comme Ronald Laing et David Cooper en Angleterre, Franco Basaglia en Italie, Thomas Szasz aux États-Unis et Michel Foucault en France déclarent que la maladie mentale n’est qu’une simple étiquette. La folie a sa propre vérité et, en des circonstances favorables, la folie psychotique peut être un processus qui mène vers la guérison. En tous les cas, elle ne doit pas être supprimée par des médicaments.
Encore moins par des électrochocs qui endommageraient le cerveau, seraient inutiles pour traiter la maladie mentale et trop fréquemment utilisés comme forme de discipline. En réalité, les électrochocs n’endommagent pas le cerveau et sont efficaces pour traiter certaines formes de dépression. Mais les hôpitaux psychiatriques s’en servent si couramment, que dans son roman, “Vol au-dessus d’un nid de coucou” (1962) , Ken Kesey, parle de “Shock Shop” pour les désigner.
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Une réponse à la société
Le plus charismatique est Ronald Laing, un psychiatre écossais. Pour lui, la folie est un voyage intérieur, seul moyen de fuir l’aliénation provoquée par la société et la famille. Laing croit d’ailleurs que la schizophrénie prend naissance dans la relation mère-enfant. Il crée une communauté anti-psychiatrique à Kingsley Hall, un quartier ouvrier de Londres, où patients et psychiatres vivent sous le même toit. Les intellectuels sont enthousiastes. Ils aiment l’idée que le fou est un simple «original» dont les troubles se manifestent en réponse à l’oppression de l’idéologie dominante, censée représenter la «normale».
David Scheff, un sociologue, proclame que le diagnostic de la schizophrénie n’est qu’une façon de punir la déviance.
Avec d’autres, il se demande: s’il n’y a pas de maladies mentales, pourquoi les asiles, pourquoi les psychiatres? Selon des auteurs, la psychiatrie n’est qu’un banal instrument de contrôle social fondé sur la coercition et paré des plumes de la science médicale.
Le prolixe Thomas Szasz, dont les titres de livres sont tout un programme “Le Mythe de la maladie mentale” (1960), “Fabriquer la folie” (1971), va jusqu’à dire que la psychiatrie continue l’Inquisition médiévale par des moyens modernes. La médecine a remplacé la théologie, le psychiatre a pris la place de l’inquisiteur et les fous tiennent lieu des sorcières.
Dans son livre The Fall of an Icon, Joel Paris, président du département de psychiatrie à McGill, relate les propos de Thomas Szasz lors d’un débat tenu à l’université.
“Les patients doivent être tenus complètement responsables de leurs problèmes et on ne doit leur offrir un traitement que lorsqu’ils sont libres de le choisir.”
Lorsque Paris lui demande ce qu’il ferait avec les patients qui ne peuvent pas payer pour une thérapie, Szasz répond que les gens qui souhaitent vraiment en avoir une, ont la responsabilité de gagner l’argent pour la payer.
“The Fall of an Icon”, p.83 Psychoanalysis and Academic Psychiatry, University of Toronto Press
En Italie, Franco Basaglia et ses collègues fondent la «Psichiatria Democratica» en 1974, une association qui milite pour un changement radical de la psychiatrie italienne. Quatre ans plus tard, ils réussissent à faire passer une une loi interdisant les nouvelles admissions en hôpital psychiatrique.
Le discours antipsychiatrique pur et dur disparaîtra à la fin des années 1980, démoli par la réalité. La tentative italienne est un fiasco.
Mais l’antipsychiatrie pousse à la désinstitutionalisation à la fin des années 1970 et 1980. Les politiciens prônent les soins dans la communauté et commencent à réduire le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques.
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Voir le cerveau
Les psychanalystes avaient cru que l’introspection et l’empathie leur fourniraient un accès privilégié au cerveau. En fait, depuis les années 70, un tel accès s’obtient plus volontiers avec l’arrivée des techniques modernes d’imagerie qui font éclater les limites des microscopes, longtemps le principal outil pour étudier le cerveau.
Depuis les années 70 on peut examiner un cerveau en action grâce à la Tomographie par Émission de Positons (TEP), l’électro-encéphalographie (EEG) et l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) qui créent des images en trois dimensions de la structure et de l’activité du cerveau. Ensemble, ils jouent un rôle majeur dans la découverte de nouveaux médicaments.
Même si la chlorpromazine est l’antipsychotique le plus prescrit dans les années 60 et 70, quarante nouvelles molécules sont introduites dans le monde au cours des années 90.
En 1987, le Prozac fait son apparition et cause une petite révolution. Il est utilisé pour traiter l’anxiété, la dépression, la boulimie, l’obsession, la panique, etc.
Le Prozac a un autre effet bénéfique: il aide à rendre les problèmes psychiatriques acceptables aux yeux du public. Le «fou» qui faisait peur est remplacé par le gars ordinaire qui souffre de stress et que la médecine peut aider. La dépression et les autres désordres mentaux ne sont que ça, des désordres mentaux qu’on peut traiter et non des failles de caractères.
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L’affaire Osherhof
Au début des années 80, Raphael Osherhof, 42 ans, un néphrologue, subit une profonde dépression à la suite d’une année difficile. Il devient agité et suicidaire. Incapable de dormir, perdant du poids, il abandonne sa pratique médicale. Il est hospitalisé au Chestnut Lodge à Rockville (Maryland), un hôpital spécialisé en thérapie analytique où il passe sept mois. On refuse de lui donner des médicaments et il doit suivre quatre sessions de psychothérapie par semaine. On veut qu’il régresse à l’enfance, moment où un traumatisme serait survenu, et construire à partir de là. Mais le traitement ne marche pas. À la fin de son séjour, il est encore agité, a perdu 40 livres et a toujours une insomnie sévère.
Désespérée, sa famille l’envoie à un autre hôpital, à Silver Hill. On lui donne des antidépresseurs et en quelques semaines, Osherhof est rétabli et peut retourner pratiquer la médecine. Mais pour lui avoir fait perdre plusieurs mois de sa vie, Osherhof décide de poursuivre l’hôpital Chestnut Lodge … et gagne. Cette histoire devient une cause célèbre en psychiatrie. Le traitement de la dépression sévère par les médicaments est tellement connu qu’en privant Osherhof de ce traitement, l’hôpital a commis une faute professionnelle.
Edward Shorter dans A History of Psychiatry, n’hésite pas à écrire “By the 1990s a majority of psychiatrists considered psychoanalysis scientifically bankrupt”
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Vider les asiles
La crise économique des années 1980, le rejet des asiles et l’utilisation de toute une panoplie de nouvelles drogues poussent les gouvernements à vider les hôpitaux psychiatriques.
En quarante ans, on a fermé des lits un peu partout. St-Jean-de-Dieu (Louis-H. Lafontaine) qui comptait 7500 patients dans les années 1940, en accueille désormais moins de 400.
Sortir les patients des hôpitaux psychiatriques était une bonne idée en soi; mais ça ne peut pas fonctionner s’ils sont laissés à eux-mêmes.
“Puis-je dévaster votre bureau?” C’est une question qu’Elyn Saks a un jour posée à son médecin, et ce n’était pas une blague. Saks s’est mise en avant avec sa propre histoire de schizophrénie, contrôlée par des médicaments et la thérapie, mais toujours présente. Dans cet exposé puissant, elle nous demande de voir des gens qui souffrent de maladie mentale clairement, honnêtement et avec compassion.
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