Mathieu Bock-Côté, Le Journal de Montréal

Elle est fascinante la capacité de relativisation d’une certaine frange de la gauche radicale. Un malheur frappe l’Amérique ? Immédiatement, elle le relativise en affirmant que l’Amérique fait bien pire partout dans le monde, et qu’en vérité, le malheur qui frappe l’Amérique est la conséquence des malheurs provoqués par les Américains. Il ne faudrait pas riposter contre les agresseurs de la démocratie, ou contre les agresseurs des États-Unis, mais comprendre immédiatement la revendication légitime qui se cacherait derrière l’acte terroriste. On se cachera bien évidemment derrière la noble intention de «comprendre» les causes profondes de l’attentat. On sera infiniment compatissant envers la douleur qui pousserait des hommes désespérés à tuer pour se faire entendre. Le terrorisme ne serait-il pas d’abord le révélateur des grands malheurs infligés au monde par la civilisation occidentale? Ne serait-il pas un acte de résistance qu’il nous faudrait comprendre, tout en se désolant évidemment des violences dont il se rendrait coupable, prend-on la peine d’ajouter, pour éviter d’avoir mauvaise presse dans la bonne société.

Je reconnais dans un tel raisonnement tordu et fallacieux le signe d’un affaissement du système immunitaire «intellectuel» occidental, ou si on préfère, l’expression navrante d’une terrible haine de soi, qui ose par ailleurs se présenter comme une forme de lucidité supérieure. J’y reconnais aussi une forme de relativisme haineux, qui masque derrière un regard «détaché» de l’événement une aversion profonde pour notre civilisation.