Lucie Pagé

Par Lucie Pagé, Châtelaine

Elle vit à Johannesburg, mais son enfance, et une grande partie de son coeur, sont attachés à Lac-Mégantic. Elle y était la semaine dernière, avec ses enfants, pour rire et se reposer. Elle y est retournée. Pour donner un coup de main, partager les larmes et la colère. Pour être là. Voici, dans ses mots, son Lac-Mégantic à elle.
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Extrait

Lac-Mégantic est une ville où tout le monde tricote, des relations, des amitiés, des amours, des mailles avec le voisin, et son cousin à lui aussi, bien sûr, et sa grand-mère, et sa voisine, et sa tante. Il n’y a pas de fin, et ça donne une grande couverture toute douce qui enveloppe chacun et chacune des Méganticois, tous reliés par le fil d’une seule et même pelote de laine.

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Je suis allée voir Éva au cimetière. Elle a une belle vue sur le lac, avec grand-papa Gérard. Mais Éva pleure aujourd’hui. Je ne l’ai jamais vue pleurer. Bien sûr, elle pleure les morts, elle connaît sûrement toutes leurs familles. Mais elle pleure la pente aussi, et le manque de freins. Pas celle de Nantes, celle qui part de beaucoup plus loin, là-haut dans les grandes tours vitrées à air conditionné, avec le petit frigo dans le bureau, sous le Picasso. La pente de la cupidité, celle qui n’a pas de freins, surtout pas de scrupules, et avec une tragédie si grave, de toute évidence n’a pas non plus les lois ni les règlements ou la moralité pour la stopper, la raisonner, cette soif d’argent. Les voies ferrées sont usées, grand-papa Gérard vous le dirait les yeux fermés, les trains sont vieux, usés, bourrés de produits mortels; laissés à eux-mêmes. C’est comme laisser des grenades dans la boîte de Legos d’une garderie. Sans surveillance.
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Aussi

Le mari de Lucie Pagé, Jay Nandoo, a publié cet article dans un journal sud-africain

When the town I loved burned down, or, when Heaven was visited by Hell