Une vie au cégep #30 – Dans la vie, il n’y a pas que les belles valeurs. Il y a aussi la mode.
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Il y en a qui sont prêts à faire n’importe quoi pour leur éducation.
Un jour, une invitation Facebook me tombe dessus : je suis invité à un défilé de mode organisé par le club des Entrepreneurs d’un cégep. Pas le mien, bien évidemment : la mode, l’image même du capitalisme… je m’imagine proposer ça au comité féministe anarchiste de mon école.
Mais je ne risque pas trop de me faire repérer. Le cégep est dans un trou : pour s’y rendre, il faut aller au terminus du métro, attendre un autobus qui passe aux demi-heures, traverser des boulevards industriels et des viaducs pendant un bon vingt minutes, puis un parc au gazon impeccable. Autour, du poulet frit, des Dollarama, des restaurants chinois. Bref, il faut vraiment être motivé.
Mais quand on rentre dans l’auditorium, on rit moins. Les organisateurs ont fait de bons efforts : fumée artificielle, projecteurs énormes, système de son assourdissant, tables rondes avec nappes blanches. Je comprends alors où est passé le 10$ que j’ai payé à l’entrée. Des longues filles maquillées se balancent dans leurs mini-jupes, les gars ont mis leur plus belle chemise, un groupe de musique étudiant joue du blues live devant moi. Après la conférence sur le veganisme de l’autre fois, j’avoue que j’apprécie.
Je danse comme un fou avec mon amie, jusqu’à ce qu’on réalise qu’on est les seuls, et qu’on bouche la vue d’une mère, un peu frustrée, qui essayait de filmer le spectacle depuis le début. On fait alors comme tout le monde, et on s’assoit sur les chaises (confortables) qui longent l’allée des mannequins.
Après avoir senti l’extase de groupes écologistes et de manifestations socialistes, j’étais en pleine parade superficielle. Mais quelle jouissance. Les mannequins avaient l’air de professionnels, visage impassible, démarche d’enfer et vêtements griffés. Le clou de la soirée : la collection de maillots de bain. Les gens criaient, le délire.
À la fin, un présentateur en cravates et lunettes stylées prend le micro.
« La soirée n’est vraiment pas terminée ! Elle continue jusqu’à au moins 1h du matin ! Le bar est maintenant ouvert, mais rappelez-vous qu’il vous faut absolument votre bracelet qui prouve que vous avez 18 ans pour y avoir accès. » La bière était le même prix qu’à mon cégep (3,50$), mais la différence c’est que je ne m’était jamais fait carter avant… « La piste de danse est ouverte, bonne soirée ! » On tasse les chaises, on monte la musique et tout le monde se plante au milieu de la piste. Je commence encore une fois à danser comme un fou, maintenant que j’ai le droit… et j’ai encore l’air d’un débile. Les gens sont là à placoter en cercle, mais la musique ne fait que du bruit de fond. « Il faut pas t’étonner, c’est comme ça ici… », chuchote mon amie. Une demi-heure plus tard, rien n’a changé.
On est dans un collège privé ? Même pas. C’est le capitalisme qui a fait son œuvre…