Lisa-Marie Gervais , Le Devoir

Photo : Renaud Philippe – Le Devoir

Une décision prise par la direction suscite beaucoup de grogne chez les enseignants d’une école secondaire de la Rive-Nord de Montréal. Ceux-ci n’ont pas apprécié qu’à l’approche du 2e bulletin, on leur demande de ne pas mettre zéro mais plutôt 40 % à leurs élèves qui ont échoué dans la matière qu’ils enseignent.

« La direction nous intimide depuis le début de l’année. On nous impose certaines décisions en pleine contradiction avec la Loi sur l’instruction publique. L’évaluation, c’est la prérogative de l’enseignant », a dit une prof de l’école Horizon, à Repentigny, préférant garder l’anonymat.

D’après la Politique d’évaluation des apprentissages, adoptée par le ministère de l’Éducation, l’évaluation appartient aux enseignants. Ceux-ci doivent toutefois pouvoir expliquer la note qu’ils attribuent à un élève par un nombre suffisant de travaux et d’examens.

La Fédération des syndicats de l’enseignement juge « inacceptable » qu’une direction d’école demande aux enseignants de changer leurs notes pour avantager un élève. C’est un non-respect de leur autonomie professionnelle, a dit Josée Scalabrini, la présidente de la FSE-CSQ. « C’est normal qu’il y ait des structures pour se donner des balises pour l’évaluation, mais une fois qu’elles sont établies, c’est pas normal qu’une direction d’école s’immisce dans les notes. »

Selon elle, c’est une autre démonstration des dérives occasionnées par les conventions de gestion, si décriées par les enseignants. Ces conventions sont des sortes de contrats signés entre les directions d’école et la commission scolaire, dont certains contiennent des objectifs de réussite chiffrés. « On a une direction qui, pour bien faire paraître son milieu, suggère des notes pour les élèves, a-t-elle ajouté. On va finir par se rendre compte que des élèves n’auront pas les acquis qu’ils devraient parce que les règles vont avoir changé en cours de route. »

Pas une obligation

La directrice de l’école l’Horizon, Huguette Guilbault, donne un tout autre son de cloche à cette affaire. D’abord, les enseignants ont été invités et non pas obligés à mettre 40 % aux élèves en situation d’échec grave (plusieurs se sont toutefois exécutés). Ensuite, cette décision a été prise pour éviter de décourager certains élèves qui ont de graves problèmes d’apprentissage notamment en raison de leur situation familiale difficile.

« J’ai certains élèves surtout en secondaire 2, qui sont en centre jeunesse, en famille d’accueil ou qui vivent des situations difficiles pour qui on ne pouvait pas porter de jugement parce qu’on ne les a pratiquement pas vus à l’école, a expliqué Mme Guilbault. Est-ce qu’on rend vraiment service à un élève en lui mettant zéro ou 22 % ? En lui mettant 40 %, il coule de toute façon. » Pourquoi choisir de lui donner 40 % alors ? Parce que lorsqu’elle travaillait auparavant au niveau primaire, dans le temps des bulletins lettrés, aucun élève ne pouvait recevoir un E, ce qui correspondait à une note en bas de 40 %, explique la directrice.

Mme Guilbault déplore que des enseignants donnent de mauvaises notes « pour punir ». « Ils disent : “celui-là ne vient jamais aux examens, il me fait suer alors je vais lui mettre zéro”. »

Certains enseignants se contentent aussi de mettre une très mauvaise note à un élève sans avoir pris les mesures nécessaires pour l’aider ou fait le suivi auprès des parents, croit-elle.

La directrice comprend qu’elle a pu choquer les enseignants, mais elle dit avoir dû faire vite, étant donné l’arrivée imminente de la remise des notes de la deuxième étape, qui vient tout juste de se terminer. La situation est temporaire et n’a concerné que 7 ou 8 élèves, principalement en 2e secondaire, précise-t-elle. La directive ne visait pas pas non plus à améliorer ses résultats et à atteindre les cibles 2016 de la convention de gestion qui devrait être signée en cours d’année.

Ce n’est pas la première fois que des pratiques d’écoles de la commission scolaire des Affluents suscitent la grogne. Il y a environ deux mois, un enseignant avait critiqué les gestionnaires de cette commission scolaire qui avaient abaissé le niveau de performance minimal pour passer de la 2e à la 3e secondaire.