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La réforme scolaire: né pour un petit bulletin

À la fin des années 80, les Québécois sont scandalisés par le taux effarant de jeunes, particulièrement les pauvres, qui ne finissent pas leur secondaire. Même le ministère de l’Éducation finit par trouver que c’est inacceptable. La population, profs en tête, exige aussi que l’école arrête de s’éparpiller un peu partout et se concentre sur les matières de base. Le Parti Québécois est entièrement d’accord; il promet de « recentrer l’école autour des matières de base, consacrer plus de temps au français, à l’histoire et aux sciences ». Il est élu en 1994.

Un petit groupe d’idéologues est inquiet de ce recentrage. Selon Éric Bédard, «on retrouve ces gens au ministère de l’Éducation dans tout le secteur du conseil pédagogique, dans les facultés de sciences de l’éducation; ce sont eux aussi qu’on nomme depuis quarante ans au Conseil supérieur de l’éducation» (CSE), un organisme puissant, payé par nos taxes et dominé par des spécialistes en théorie de l’éducation.

Tous ces idéologues, qui s’inspirent du marxisme ou du catholicisme de gauche, comme l’explique Éric Bédard (VOIR NOTE EN BAS DE PAGE 1- idéologues), jonglent depuis des années avec un but enlevant : «engager l’État dans une réforme globale de l’éducation et de ses fondements philosophiques.» Bref, «une réforme exhaustive et fondamentale» (Julien Prudhomme).

Rien de moins.

Ces idéologues sont profondément déçus de Jean Garon, le nouveau ministre de l’éducation, un pragmatique. Alors que «le Conseil voulait piloter sa propre consultation en la fondant d’emblée sur des  idées comme l’approche par compétences» (Julien Prudhomme), Garon court-circuite le Conseil en annonçant que le ministère va consulter non pas les théoriciens, mais la population. Il met sur pied en 1995 une Commission des états généraux. Non seulement Garon ne veut pas consulter les théoriciens, mais il ne veut pas les voir siéger à la Commission.

«C’est à cette fin  qu’il nomme, sciemment, une commission composée en majorité de non-spécialistes (étudiants, gens d’affaires, représentants du monde culturel ou coopératif.» (Julien Prudhomme)

 

Malheureusement, on impose à Jean Garon (les auteurs ne précisent pas comment) comme coprésident de la Commission des états généraux le président du Conseil de l’éducation, Robert Bisaillon, licencié en théologie, un ancien dirigeant de la Centrale de l’enseignement du Québec (aujourd’hui CSQ) que Gary Caldwell qualifie de “technocrate endurci”, de “ vieux renard de l’appareil” et Éric Bédard « d’apparatchik de la triade ». Robert Bisaillon y

Selon Bédard, la triade comprend le ministère, les facultés de sciences de l’éducation et le Conseil supérieur de l’éducation.

fait siéger l’un de ses plus influents collègues, Paul Inchauspé, détenteur d’un diplôme d’études supérieures en philosophie.

La Commission entreprend une tournée de 56 jours d’audiences publiques à travers le Québec.

Succès bœuf. La population dépose plus de 2 000 mémoires. «De toutes les consultations publiques tenues au Québec depuis la guerre, c’était sûrement une des plus réussies quant à la participation.» (Gary Caldwell)

 

Le dérapage

C’est alors que les idéologues du Conseil supérieur de l’éducation prennent les commandes du processus. (…)