Le premier devoir d’un journaliste est d’être lu (Pierre Lazareff)

Françoise Giroud inventa l’une des plus belles définitions du journaliste: «Celui qui lève le voile»

« et sa fonction première, c’est d’être les yeux du public, son témoin, son délégué.” André Laurendeau,

Le Devoir, 24 mai 1952

 

 

Charlie Brooker’s How to Report the News (particulièrement dérangeant pour les journalistes des nouvelles)

 

 

« Trop souvent, ici, les gens qui monopolisent l’information internationale, et ils sont très peu nombreux, préfèrent les simplismes de droite et de gauche pour pouvoir se retrouver dans une réalité complexe qui échappe aux dogmes et aux appellations contrôlées. J’ai déjà fait partie de ce village de complaisants et de paresseux qui libéraient Saïgon sur papier et transformaient l’OLP en mouvement pacifiste. Depuis, les réalités du terrain, la rencontre avec de vrais terroristes ou de vrais fascistes, la confrontation avec la complexité des hommes qui se cachent derrière les idées et les drapeaux, m’ont appris qu’il n’y a pas beaucoup de différences entre une dictature de droite comme celle du Chili ou une dictature de gauche comme celle du Nicaragua. Des différences de cruauté, bien sûr, de moyens, de tortures, mais, je regrette de le dire, une dictature, c’est une dictature. »

P. 36

Gil Courtemanche

Douces colères,

VLB, 1989

 

 

Il est maintenant difficile d’imaginer un universitaire intellectuel dire quelque chose d’aussi simple et sans équivoque que: «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je vais défendre à mort votre droit de le dire».

Il est beaucoup plus susceptible de penser, même s’il ne le dit pas ouvertement ou en public, «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites et donc je vais rationaliser à mort mon droit de vous empêcher de le dire»

En public, il sera plus circonspect, présentant cette suppression de la liberté comme une augmentation, c’est-à-dire de la vraie liberté (….) 

Mais il sait parfaitement au fond du coeur que ce qu’il veut, c’est le plus grand pouvoir possible, celui de façonner, de mouler de façon indélibile la pensée des autres, un pouvoir auquel il croit avoir le droit en vertu de sa supériorité intellectuelle, de sa formation et de son zèle pour  le bien public. »

« Récemment je lisais un livre écrit par une femme, une ‘resident scholar in the Women’s Studies Research Center de l’Université de Brandeis University,’ sur le problème de «l’âgisme» en Amérique.»

L’auteure aimerait qu’on expurge tous les termes dénotant de «l’âgisme» des films, de la radio, des livres, des conversations courantes et même des esprits. Pourquoi? Parce que plusieurs personnes ont été humiliés par ces termes, que ces termes renforcent les stéréotypes, que les stéréotypes mènent à mal traiter les vieux.

Même si ce qu’elle dit est vrai ( et on peut en douter) ce qu’elle exige comme principe est un langage tellement anodin qu’il ne pourrait offenser personne, qu’il ne pourrait mener vers aucun séréotype etc. parce qu’il n’y a aucune raison de limiter le nettoyage de la langue à l’âge.»

«Il est très rare qu’un intellectuel universitaire dise que X est un but désirable, et même très désirable, mais qu’en terme de liberté, le prix à payer est simplement trop grand«

(Very rarely do we find someone whos is a university intellectual saying that ‘x is indeed a desirable goal, even a highly desirable goal, but the cost to freedom of achieving it is simply too great.’)

Theodore Dalrymple

Of Termites & Mad Dictators

New English Review, Mars, 2011

 

 

Comment expliquez-vous que tant d’intellectuels se soient autant trompés?

Je n’ai pas de réponse sinon une hypothèse: qu’à partir d’une date qui serait à déterminer dans l’histoire de la culture, l’intellectuel ne s’est senti tel qu’à condition d’attaquer tous les aspects de la société existante, sans même se demander s’ils peuvent être tous mauvais sans exception. L’intellectuel du XX siècle, c’est, par définition, l’opposant; sauf, bien entendu, dans les sociétés du socialisme “réel”, où l’opposant était ( et est encore) muselé, emprisonné ou exécuté.

Le résultat est qu’à notre époque le seul système politique qui ait été impitoyablement et en totalité piétiné par les intellectuels est le système démocratique, puisque c’était le seul où ils avaient droit à la parole. Ils continuent aujourd’hui.»

Jean-François Rével

P.162

Les plats de saison

Journal de l’année 2000

Seuil

 

 

“L’insignifiance de l’intelligentsia dans la vie publique américaine est une source de différence significative et durable entre la France et les État-Unis. Au contraire de leurs homologues français, les intellectuels américains sont des marginaux au sein de leur propre culture. Pour une foule de raisons, l’intellectuel en Amérique n’a pas de prise sur l’esprit public, à plus forte raison sur la vie politique. Ainsi y avait-il ( et subsiste-t-il ) aux États-Unis quelque chose de foncièrement hostile et étranger à la conception européenne, et notamment française, de l’intellectuel et de son rôle. Si l’Amérique représentait l’avenir, elle annonçait une société dans laquelle le rôle de l’Intellectuel ( le rôle réel ou celui qu’il se prêtait) serait spectaculairement réduit. À cet égard, le contraste était donc particulièrement marqué avec l’Union soviétique, qui cultivait d’elle l’image d’une société où l’intellectuel, l’artiste et l’homme de science jouaient un rôle respecté et vital.”

Tony Judt

Un passé imparfait

Les intellectuels en France 1944-1956

Fayard, 1992

 

 

Thomas Sowell

The Quest for Cosmic Justice

Thomas Sowell, The Free Press, 1999

(BNQ)

« Lénine, Hitler et Mao ont été les meilleurs exemples de ces leaders qui ont tenté d’ajuster le peuple à leurs idées, même si ça signifiait la mort de millions d’être humains ».

Il donne l’exemple typique d’une étudiante en droit de l’Université de Stanford

« membre d’une des nombreuses organisations dédiées aux « droits des détenus ». Elle disait : « c’est précisément parce que les détenus sont perçus comme les rejetés de notre société. C’est ce qui m’attire encore plus vers eux. Elle ajoutait « On devrait vouloir savoir pourquoi quelqu’un ne peut pas fonctionner dans cette société, qu’est-ce qui cloche dans cette société?

Formulé de cette façon – ce qui est fréquent chez les intellectuels- le monde est en prison parce qu’ils ne peuvent pas fonctionner dans cette société.

Ce n’est pas parce qu’ils ne choisissent pas de fonctionner, préférant être des prédateurs, et de commettre des crimes dans toutes les sortes de société du monde (…) C’est une façon rapide de se distinguer en s’opposant à la société.

 

« Habituellement on ne demande – et on ne reçoit- ni preuve ni logique pour une telle condamnation de la société ou pour une vue non-judgmental des criminels. Ça fait partie de l’air du temps et c’est un raccourci pour la distinction ( cheap glory) de prendre position contre la société »

« Il n’y a aucune gloire à retirer en supportant les cadres actuels (framework) de la société, justement parce que c’est le framework existant. L’intelligentsia a les mêmes “incentives” que les politiciens à la Napoléon, même si la gloire qu’ils cherchent n’est pas nécessairment le pouvoir politique direct dans leurs propres mains, mais seulement le triomphe de leurs doctrines, le réarrangement ( reordering) de la vie des autres en accord avec leurs visions, un étalage de leur propre virtuosité intellectuelle ou simplement une posture of daring dans le rôle du dandy verbal. La façon la plus facile d’atteindre ces buts est de dédaigner les sentiers batttus ( ..) et d’attaquer ou de miner la structure fondamentale du système et de la société américaine. »

 

Ceux qui ont des visions puissantes ne se préoccupent pas des faits. En vérité, ils peuvent défier les faits les plus évidents année après année. Pendant le XX siècle, des millions d’individus ont fui des pays louangés par les intellectuels pour se réfugier dans des pays détestés par ces mêmes intellectuels.

Soumettre des théories aux rigueurs de l’examen logique, les vérifer par l’expérience est peut-être «tedious » , mais soumettre toute une population aux caprices des intellectuels et des politiciens à été mortel à répétition. Cette leçon a été écrite dans le sang durant le XX siècle et il est plus que temps de le lire. »

 

 

« Message d’Alexa Conradi aux participants du congrès du Parti communiste du Québec » (octobre 2008)

 

Vous êtes des militantes et militants engagée [sic] à Québec solidaire à construire un parti politique pluraliste de gauche, écologiste, souverainiste et féministe. Vous y travaillez de façon loyale et généreuse et nous vous en remercions.

Nous espérons que vos travaux de cette fin de semaine seront bénéfiques pour vous et pour la gauche dans son ensemble. Plus que jamais, le Québec a besoin d’une gauche forte et unifiée.

[…]

Veuillez recevoir nos salutations solidaires,

Alexa Conradi, présidente

Françoise David, co-porte parole

Amir Khadir, co-porte parole

 

 

Pourquoi les intellectuels sont-ils fascinés par les dictatures?

ERIC HOFFER, pur produit de cette classe ouvrière qu’ils veulent libérer, a été ouvrier agricole et débardeur toute sa vie. Il a écrit une dizaine de livres et d’essais et s’est intéressé aux liens entre les intellectuels et les masses.

Voici des extraits de son texte sur les intellectuels et les masses

[ The intellectual goes to the masses in search of weightiness and a role of leadership. Unlike the man of action, the man of words needs the sanction of ideals and the incantation of words in order to act forcefully. He wants to lead, command, and conquer, but he must feel that in satisfying these hungers he does not cater to a petty self. He needs justification, and he seeks it in the realization of a grandiose design and in the solemn ritual of making the word become flesh. Thus he does battle for the downtrodden and disinherited and for liberty, equality, justice, and truth, though, as Thoreau pointed out, the grievance which animates him is not mainly “his sympathy with his fellows in distress, but, though he be the holiest son of God, is his private ail.” Once his “private ail” is righted, the intellectual’s ardor for the underprivileged cools considerably. His cast of mind is essentially aristocratic.]

[ He sees himself as a leader and master (1). Not only does he doubt that the masses could do anything worthwhile on their own, but he would resent it if they made the attempt. The masses must obey. They need the shaping force of discipline in both war and peace. It is indeed doubtful that the typical intellectual .would feel wholly at home in a society where the masses got their share of the fleshpots. Not only would there be little chance for leadership where people were almost without a grievance, but we might suspect that the cockiness and the airs of an affluent populace would offend his aristocratic sensibilities]

[There is considerable evidence that when the militant intellectual succeeds in establishing a social order in which his craving for a superior status and social usefulness is fully satisfied, his view of the masses darkens, and from being their champion he becomes their detractor.]

[It is the twentieth century, however, which has given us the most striking example of the discrepancy between the attitude of the intellectual while the struggle is on, and his role once the battle is won.]

[In no other social order, past or present, has the intellectual so completely come into his own as in the Communist regimes. Never before has his superior status been so self-evident and his social usefulness so unquestioned. The bureaucracy which manages and controls every field of activity is staffed by people who consider themselves intellectuals. Writers, poets, artists, scientists, professors, journalists, and others engaged in intellectual pursuits are accorded the high social status of superior civil servants. They are the aristocrats, the rich, the prominent, the indispensable, the pampered and petted. It is the wildest dream of the man of words come true.

And what of the masses in this intellectual’s paradise? They have found in the intellectual the most formidable taskmaster in history. No other regime has treated the masses so callously as raw material, to be experimented on and manipulated at will, and never before have so many lives been wasted so recklessly in war and in peace. On top of all this, the Communist intelligentsia has been using force in a wholly novel manner. The traditional master uses force to exact obedience and lets it go at that. Not so the intellectual. Because of his professed faith in the power of words and the irresistibility of the truths which supposedly shape his course, he cannot be satisfied with mere obedience. He tries to obtain by force a response that is usually obtained by the most perfect persuasion, and he uses terror as a fearful instrument to extract faith and fervor from crushed souls.]

[One cannot escape the impression that the intellectual’s most fundamental incompatibility is with the masses. He has managed to thrive in social orders dominated by kings, nobles, priests, and merchants but not in societies suffused with the tastes and values of the masses. The trespassing by the masses into the domain of culture and onto the stage of history is seen even by the best among the intellectuals as a calamity.]

[It is remarkable how closely the attitude of the intellectual toward the masses resembles the attitude of a colonial functionary toward the natives. The intellectual groaning under the dead weight of the inert masses reminds us of sahibs groaning under the white man’s burden. Small wonder that when we observe a regime of intellectuals in action we have the feeling that here colonialism begins at home.]

[There is a chronic insecurity at the core of the creative person, and he needs a milieu that will nourish his confidence and sense of uniqueness. Discerning appreciation and a modicum of deference and acclaim are probably more vital for his creative flow than freedom to fend for himself. Thus a despotism that recognizes and subsidizes excellence might be more favorable for the performance of the intellectual than a free society that does not take him seriously.]

[Actually, the intellectual’s dependence on the masses is not confined to the economic field. It goes much deeper. He has a vital need for the flow of veneration and worship that can come only from a vast, formless, inarticulate multitude.]

[To sum up: the intellectual’s concern for the masses is as a rule a symptom of his uncertain status and his lack of an unquestionable sense of social usefulness. It is the activities of the chronically thwarted intellectual which make it possible for the masses to get their share of the good things of life. When the intellectual comes into his own, he becomes a pillar of stability and finds all kinds of lofty reasons for siding with the strong against the weak.]

[Actually, an antagonism between the intellectual and the powers that be serves a more vital purpose than the advancement of the masses: it keeps the social order from stagnating.]

There is also the remarkable fact that where the intellectuals are in full charge they do not usually create a milieu conducive to genuine creativeness. The reason for this is to be found in the role of the noncreative pseudo-intellectual in such a system. The genuinely creative person lacks, as a rule, the temperament requisite for the seizure, the exercise, and, above all, the retention of power. Hence, when the intellectuals come into their own, it is usually the pseudo-intellectual who rules the roost, and he is likely to imprint his mediocrity and meagerness on every phase of cultural activity. Moreover, his creative impotence brews in him a murderous hatred of intellectual brilliance and he may be tempted, as Stalin was, to enforce a crude leveling of all intellectual activity.

Thus it can be seen that the chronic thwarting of the intellectual’s craving for power serves a higher purpose than the well being of common folk. The advancement of the masses is a mere by-product of the uniquely human fact that discontent is at the root of the creative process: the most gifted members of the human species are at their creative best when they cannot have their way, and must compensate for what they miss by realizing and cultivating their capacities and talents.]

 

(1) In 1935 a group of students at Rangoon University banded themselves together into a revolutionary group and immediately added the prefix “Thakin” (master) to their names.

 

HOFFER, Eric. Between the Devil and the Dragon, The best essays and aphorisms of America longshoreman philosopher, including The True Believer, and selections from diaries. New York, Harpercollins, juillet 1982, 486p.

 

 

Deux communiqués de Josée Bouchard,  présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ). Toujours aussi inspirants.

C’est à Rouyn-Noranda, le vendredi 13 avril, que s’est conclue officiellement la tournée régionale d’information, de valorisation et de mobilisation du système public d’enseignement initiée par la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) le 9 septembre 2011, à Baie-Comeau. Cette tournée, qui avait pour objectif de rencontrer les partenaires politiques, socioéconomiques, communautaires, syndicaux des commissions scolaires et des parents dans un esprit d’ouverture et de collaboration afin d’identifier des pistes d’amélioration du système public d’enseignement a connu un franc succès. Ces vingt rencontres ont permis à la FCSQ et aux commissions scolaires, chacune dans sa région, d’échanger avec plus de 1 500 partenaires de tous les milieux et surtout d’entendre leurs opinions, préoccupations et recommandations pour améliorer notre système public d’enseignement.

….

L’éducation au coeur des discussions
Des échanges constructifs et des lendemains prometteurs
16 avril 2012

Les représentants et représentantes des commissions scolaires de l’Abitibi-Témiscamingue sont extrêmement satisfaits des échanges qu’ils ont eus avec leurs partenaires socioéconomiques et politiques sur nos enjeux et défis en éducationDans un esprit de collaboration et d’ouverture, les échanges ont été enrichissants et les pistes de travail identifiées démontrent bien le dynamisme de notre région. Nos commissions scolaires ont la volonté de contribuer à l’amélioration continue du réseau public d’enseignement, et ce, en étant à l’écoute des besoins de la population de notre région.

 

 

 

Benoît Aubin, Chroniques de mauvaise humeur, Boréal 1996

Chronique: À l’ére du grand blabla ( août 1994)

Extraits
« Pendant que les journalistes défendaient leur mission de rapporter objectivement les grands débats de la société, ces grands débats eux-mêmes faisaient l’objet d’un rapt et d’un détournement perpétrés par une poignée de spécialistes, en plein jour et à la barbe de tous. Ils ont kidnappé le débat public.

Au Québec, ils sont à peine une centaine, que l’on voit et entend à peu près tous les jours. Le discours public, c’est eux : les premiers ministres, les chefs de l’opposition et quelques seconds violons des parlements. Les leaders syndicaux, les porte-parole patronaux, les chambres de commeerce, quelques associations professionnelles. Les groupes de pression ethniques, culturels et linguistiques. Quelques gros hommes d’affaires, gros maires, gros commentateurs : une poignée d’analystes. Ajoutez-y les diverses tables de concertation, quelques bonnes oeuvres, quelques athlètes, artistes, penseurs, vedettes, « faiseux » ou animateurs de tribunes téléphoniques, et vous avez l’essentiel de ce qui se « passe » dans les médias, jour après jour.

Idéalement, en démocratie, les citoyens s’informent, discutent, débattent, se font une idée, puis votent : on change de chef, on déclare la guerre, on creuse un aqueduc.
Dans la société câblée, cependant, la place publique a été remplacée par les médias, les débats par la chicane, et les citoyens par des spécialistes de la chicane dans les médias.
Aujourd’hui, le spectateur magasine plutôt entre quelques grilles d’analyse prêtes à porter qui lui sont présentées quotidiennement
. »

 

 

Jean des Cars à une nulle qui lui demandait s’il était payé à la ligne

-Oui madame. Mais pour une seule ligne: celle de ma signature.

 

 

Yves Mirande

J’étais arrivé à Paris depuis des semaines, et je n’avais encore réussi à vendre que quatre articles. Ces quatre articles étaient : mon pardessus, ma montre, mes bretelles et mon stylo.

 

 

Montréal n’a rien à envier à Barcelone.

La Presse

Nathalie Petrowski

12 juillet 2012

“Montréal n’a rien à envier à Barcelone. C’est ce qu’a affirmé le ministre Raymond Bachand lors du dévoilement des maquettes de la future place du Quartier des spectacles. À une chaise de lui, le maire Gérald Tremblay a opiné du bonnet avant d’ajouter avec un optimisme délirant que, bientôt, les gens viendraient du monde entier pour voir cette place qui ne serait pas tant une place qu’une référence architecturale aussi forte que la Via Veneto – un coup parti, pourquoi pas la tour Eiffel, la muraille de Chine et la Grande Mosquée de Hassan II?

 

 

Il faudrait bien une fois pour toutes savoir ce que c’est que de faire de la politique. Prenez, par exemple, le type de député jobard et mouton, sans personnalité ni pensée, régulièrement réélu pendant trente ans dans un comté gagné d’avance à son parti, ce sphynx qualifié de back bencher qui subit la session parlementaire sans jamais ouvrir la bouche et qui ensuite passera l’été à distribuer parmi ses commettants poignées de main, sourires, promesses, piécettes et « jobinettes ». Vous connaissez, n’est-ce pas ? ce genre de petit politicien qu’on a vu si souvent chez nous, au Fédéral comme au Provincial. Eh bien ! on trouvera des milliers de gens pour affirmer qu’il a fait de la politique une bonne partie de sa vie. En réalité, il n’a pas fait de vraie politique. Sans vouloir être méchant, je serais tenté de dire qu’il n’a pas fait grand-chose.

(Georges-Henri Lévesque, Souvenances, Tome 1)     p. 147

 

 

« Il est rare que des gens exerçant la même profession s’assemblent, fût-ce par diversion, pour se distraire, sans que leurs entretiens aboutissent à conspirer au détriment du public où à trouver moyen d’enchérir toutes choses. »

Le temps des incertitudes

John Kennett Galbraith

Éditions Gallimard

 

 

Les politiciens ne dépensent jamais; ils octroient,  consacrent,  investissent,  avec la certitude paisible que les journalistes n’y verront que du feu. Cette tradition de maquillage nous vient de l’époque de Duplessis.

Dans son livre «Duplessis», Conrad Black cite ce passage du journaliste Pierre Laporte:

D’après Pierre Laporte, Duplessis exigeait que ses ministres:

«emploient certains termes, qu’ils en évitent d’autres. Par exemple le verbe «dépenser» était tabou. Il avait, dans l’esprit de monsieur Duplessis, un sens vaguement péjoratif. Il fallait lui substituer le mot « consacrer».

Laporte raconte cette scène au Parlement:

M.Paquette: Nous avons dépensé $4 millions pour les hôpitaux..

M.Duplessis: Consacré. Albiny!

M.Paquette: Nous avons consacré $4 millions..

Quelques minutes plus tard:

M.Paquette: Nous avons dépensé $5 millions..

M.Duplessis: Albiny, consacré!

M.Paquette:…consacré, monsieur le président!

(Conrad Black “Duplessis”, tome 2, p.43)

 

 

Jean Garon

Pour tout vous dire

vlb éditeur

P.434

Tous les intervenants institutionnels, depuis les syndicats d’enseignants jusqu’aux recteurs, en passant par les sous-ministres, ont le même beau discours: leur but, leur raison d’être, est le bien-être de l’enfant, de l’élève ou de l’étudiant. Toutefois, dès que cette mission sacrée entre en conflit avec l’intérêt de la corporation ou de l’institution, ce n’est jamais les étudiants ou les élèves qui l’emportent. C’est cette réalité que je trouvais la plus détestable dans le monde de l’éducation.

 

 

Deux petites phrases de Jacques Attali, un penseur français, dans un long texte intéressant de Philip Gourevitch du New Yorker (12 décembre 2011) sur Sarkozy.

« Dans les années 90, Attali a travaillé à la rédaction du Traité de Maastricht,  le  «blueprint» pour l’Union européenne et il m’a dit:

«La nation seule est impossible.Nous devons être l’Europe. Et c’est comme ça.» (« The nation alone is impossible. We have to be Europe, and that’s it.»

Nous n’avons rien écrit qui permettait d’en sortir (de l’Union). Aucune voie de sortie. C’était voulu.

(«We didn’t put in any chapter providing a way out. No exit. That was on purpose.»)

 

 

Quelques grands visionnaires québécois

1886

Mgr Laflèche «Tout dans son histoire prouve que le peuple canadien-français a une mission providentielle essentiellement religieuse: convertir les infidèles et former une nation catholique.

1902

Mgr Paquet: « Notre mission est moins de manier des capitaux que de remuer des idées; elle consiste moins à allumer le feu des usines qu’à entretenir et à faire rayonner au loin le foyer lumineux de la religion et de la pensée

2012

Jérémie Bédard-Wien, l’un des porte-parole de la CLASSE: « Nous sommes au tout début d’une longue lutte pour la transformation de l’éducation au Québec, au Canada et dans le reste du monde.

 

 

Recueil d’éditoriaux de Jean-François Revel

Jean-François Revel

Fin du siècle des ombres

Recueil d’éditoriaux, Fayard, 1999. Plon, 2002.

Les éditoriaux de Jean-François Revel, décédé l’an dernier, ont été pendant 30 ans parmi les plus influents de la presse française.

 

Quelques extraits :

 

P.73

La bureaucratie syndicale – la « syndicratie » selon le pertinent néologisme forgé pour la désigner par François de Closets – constitue un cas éminent de détournement de mission. Né au XIX siècle pour défendre le prolétariat ouvrier contre le patronat capitaliste, le syndicalisme a aujourd’hui pour profession d’améliorer les avantages de la partie la plus protégée, la mieux pourvue et la mieux traitée des salariés, et ce au détriment d’autres salariés.

P. 196

L’américain n’existe pas. Les éditeurs qui se croient savants quand ils emploient cette mention n’écrivent qu’une sottise. Les Américains parlent anglais, malgré des différences d’accents et d’expressions comme il y en a aussi entre les régions et les classes sociales en Grande-Bretagne. Dit-on d’un roman de Simenon, d’un poème de Michaux, qu’ils sont « traduits du belge », et des versions étrangères du « Contrat social » qu’elles sont traduites du genevois ?

P.258

La différence qu’il y a entre une grève dans une compagnie privée et une grève dans le monopole public, c’est que, dans une compagnie privée, il s’agit d’une grève contre l’employeur et que, dans le monopole public, il s’agit d’une grève contre la nation. La question est de savoir si le même droit peut régir ces deux types de grève.

Soyez tranquille : cette question ne sera pas posée – pas, du moins, par le gouvernement. Et ne le sera pas davantage une autre question de toute économie moderne : qu’est-ce qui relève vraiment du secteur public et qu’est-ce qui serait beaucoup mieux fait par le privé ? Et si elle n’est pas posée, ce n’est pas qu’il soit impossible d’y répondre, c’est qu’on ne veut surtout pas connaître la réponse. Discrétion coûteuse : moins il y a de concurrence, plus la productivité est basse, plus les effectifs doivent donc être nombreux, et moins les salaires peuvent être hauts. Les personnels y perdent autant que les usagers.

p.581

Comment, dans l’état actuel des flux migratoires, instaurer sans catastrophe une liberté totale d’immigration ? Comment admettre une foire d’empoigne où l’entrée et l’installation définitive de tout étranger extracommunautaire dépendraient de sa seule décision, sans que les autorités du pays d’accueil aient leur mot à dire ? Exiger que l’immigration cesse d’être contrôlée ou même connue, surtout dans un pays à forte protection sociale, avec des budgets sociaux déjà en grave déficit, c’est rechercher la déstabilisation permanente de la société, l’abolition de l’État de droit, voire de la citoyenneté. Le programme du Front national, qui veut mettre tous les étrangers dehors, et celui des pétitionnaires, qui veulent les mettre tous dedans, sont également impraticables et immoraux. Car ils assurent l’un et l’autre l’échec irrémédiable de l’intégration, cette longue tradition qui fut et doit demeurer l’honneur de la France. Selon leur démarche habituelle, les intellectuels ou automates de gauche, ou prétendus tels, organisent ainsi la destruction pratique de l’idéal dont ils se réclament en théorie. Ce n’est pas là être l’ami des immigrés ; c’est être leur pire ennemi.

p.605

Que l’on nous épargne des poncifs du genre « c’était un homme de convictions », chose en soi dénuée de toute valeur morale car il y a des convictions qu’il vaudrait mieux ne pas avoir.

 

 

« Nous voulons des écoles, nous avons des écoles, mais nous n’avons pas les écoles que nous voulons. Nous avons les écoles qui arrangent ceux à qui nous avons délégué éternellement l’application de notre volonté. À cet égard, la théorique démocratie syndicale constitue un cas fascinant. Il n’y a absolument aucun rapport entre la pensée du président de la CSN et la pensée des membres de la base. D’assemblées générales peu fréquentées en élections d’exécutif, puis en libération à plein temps, de délégués élus en permanents choisis, de réunions de permanents en modes d’action proposés, les objectifs généraux de la base ont été raffinés, traduits, interprétés, refondus. À chaque niveau de délégation et de spécialisation, les espoirs théoriques se tranforment en revendications précises et toujours plus radicales. Le langage cesse progressivement d’être celui de la base et devient celui de l’appareil « démocratique ». Et c’est l’appareil qui donne les conférences de presse et qui négocie. Parallèlement, c’est le même type d’appareil,étatique celui-là, qui répond aux conférences de presse et qui négocie. De part et d’autre, le syndiqué et le citoyen ont donné leur volonté en sous-traitance. Quelque part, dans le grand contrat social qui nous lie tous, il est écrit, en très petits cacartères, que nous nous réservons le droit de changer de sous-traitant. À date fixe…et pour un sous-traitant du même genre. Quand aux médias, ils interprètent le contrat social comme les obligeant à couvrir les sous-traitants…dont, évidemment, ils font eux-mêmes partie.

Dans le monde financier, une telle forme de gestion de l’argent du client s’appelle souvent du détournement de fonds.

P. 149-150

Gil Courtemanche

Douces colères,

VLB, 1989

 

 

Ce n’est pas la politisation du syndicalisme qui suscite les conflits. Les patrons ne sont-ils pas eux aussi politisés? C’est sa composition. Et c’est l’idée que les leaders syndicaux se font de leur mandat. Dans toutes leurs interventions, ils prétendent représenter la population contre patrons et élus: une sorte de tiers état face à la noblesse de l’argent et au clergé de la politique. Jusqu’à avis contraire, pourtant, ce sont nos députés qui nous représentent; nos fonctionnaires, eux, nous “servent”, comme on dit en anglais. Les directions syndicales ne représentent pas “les travailleurs”, mais leurs cent, mille ou cent mille membres. Et il s’agit d’une représentation limitée: limitée à la négociation, avec les travailleurs, des conditions de travail et de rémunération. Même dans le cas de lois touchant les questions économiques, les intérêts de consommateur du citoyen peuvent être en contradiction avec ses intérêts de travailleur (….)

Pour l’éducation, les loisirs, les politiques économiques, les syndicats sont des corps intermédiaires comme les Chevaliers de Colomb, les chambres de commerce, les clubs de l’Âge d’or et les ligues du Sacré-Coeur. Prière de voir nos élus.

Jean Paré

Je persiste et signe

Boréal

P.35

 

 

De nos jours, quand les gens trouvent une chose bonne, la tentation de l’imposer à tous, pour leur plus grand bien, devient souvent irrésistible. Inversement, quand les groupes jugent une chose mauvaise, ils se mobilisent pour l’interdire à tous. Dans les deux cas, on piétine mon droit et ma capacité à décider seul, comme un grand garçon, de ce qui est bon ou mauvais pour moi. On me traite donc comme une enfant.

FACAL, Joseph. Une année en Espagne, Québec, VLB éditeurs, 2011,  p.148-149

 

 

La CEQ ( ancêtre de la CSQ) n’admet pas le système scolaire actuel et elle donne la raison de son refus : le système scolaire actuel est l’instrument du système social capitaliste. Précisons : «d’un État capitaliste libéral colonisé et asservi aux intérêts américains.»

Essayons d’imaginer quel serait le contraire ou, en tout cas, quel serait l’État qui ne serait ni capitaliste, ni libéral, ni colonisé, ni asservi aux intérêts américains. Si le système et l’État n’étaient pas capitalistes, ils seraient marxistes-léninistes ou socialistes. On ne connaît pas d’autres modèles de ce côté-ci de l’Utopie.

À propos, 23 septembre 1973

DESBIENS, Jean-Paul : L’actuel et l’actualité (Éditions le Griffon d’Argile, Collection Philosophe,  Sainte-Foy, 1986) p. 7 à 9

 

 

« Les États-Unis ont toujours fait rouler leur économie complexe et leur gouvernement, en plus de combler la plupart de leurs besoins culturels, sans l’aide d’intellectuels. Ces derniers n’ont nulle part ailleurs si peu d’influence dans la gestion des affaires d’un pays. Il est donc normal que les penseurs d’ailleurs voient dans l’américanisation une menace non seulement pour leur influence, mais pour leur existence. »

Eric Hoffer

The Ordeal of Change, 196

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