220px-Krieghoff_Huron-WendatAnnie Morin

Le Soleil

Extraits sur les Hurons dans Le Printemps indien

Deux fois plus nombreux que les Iroquois, quelque 20000 Hurons habitent à l’extrême limite nordique cultivable du Nouveau Monde, près du lac qui porte leur nom, le territoire le plus densément peuplé du Canada amérindien. Au sud, les Hurons font pousser du maïs, plus qu’il ne leur en faut pour se nourrir; au nord, l’agriculture est impossible mais les animaux sont nombreux. Tout près de leur territoire, la route de canotage la plus connue et la plus fréquentée par les Algonquins relie les Grands Lacs de l’ouest à la vallée du Saint-Laurent, par l’Outaouais. Les échanges sont nombreux entre Algonquins et Hurons et le commerce rapporte aux deux: les produits agricoles permettent aux Algonquins de tenir le coup si la saison de chasse est mauvaise, et leur viande est une denrée précieuse pour les Hurons qui ont épuisé le gibier autour de leurs villages. Au cours des siècles, l’intensification de ces échanges fait de la Huronie la plaque tournante du commerce indien. On a, par exemple, retrouvé du tabac huron chez les Naskapis de l’Ungava. La Confédération des Hurons et la Ligue iroquoise sont donc les deux seuls intermédiaires possibles pour qui veut accéder au commerce des Grands Lacs. Ce carrefour des eaux de l’Atlantique, du golfe du Mexique, de la baie d’Hudson et des Plaines de l’ouest est aussi un gigantesque réservoir à castors. Cette caractéristique en fera un des territoires les plus convoités par les Blancs. Mais, pour l’instant, le castor n’intéresse ni les Iroquois ni les Hurons, et les Blancs, seuls acheteurs, n’ont pas encore dépassé Tadoussac. (….)

En juillet 1615, Champlain se rend dans la lointaine Huronie pour conclure une alliance qui drainera, grâce aux commerçants hurons, la fourrure des Grands Lacs vers les acheteurs français. Désormais, chaque année, 60 canots et 200 hommes descendent le Saint-Laurent, apportant en moyenne 10000 peaux. Même si le gros du commerce se fait maintenant avec les Hurons, il se poursuit partout ailleurs avec les autres nations.

Mais la nouvelle alliance est un événement politique important: elle modifie considérablement les rapports traditionnels entre les Hurons et les Iroquois. Entourés d’ennemis maintenant très forts et désirant briser leur isolement, les Iroquois se tournent vers les Hollandais de l’Hudson. Contre des armes, ils leur offrent des fourrures piratées aux convois français qui descendent le Saint Laurent. Dès lors, les accrochages entre les Iroquois et les Français et leurs alliés deviendront réguliers, ce qui vaudra aux premiers d’être considérés comme « les méchants » dans nos livres d’histoire.

(…)

Au début des années 1640, quand leur offensive commence, les membres de la Ligue iroquoise sont surtout des « pirates de la fourrure » qui s’emparent des flottilles de canots hurons descendant l’Outaouais vers Montréal, bien qu’à la même époque, d’autres membres de la Ligue commencent à attaquer les colons français chez eux. La position stratégique des Mohawks sur la rivière Richelieu leur permet en effet de ravager, avec une relative impunité, les rives de l’Outaouais et celles du Saint-Laurent. Pendant toute la décade, les Iroquois vont couper régulièrement le cordon ombilical du commerce de la fourrure, l’Outaouais et détourner leurs prises vers les comptoirs hollandais de 1’Hudson et d’Albany. Entrecoupée d’agressions et de trêves, la traite se poursuit tant bien que mal quand, vers la fin des années 1640, les Iroquois changent de tactique et décident d’abattre la Huronie.

En 1648, un millier de guerriers passent à l’attaque: l’un après l’autre, les villages hurons tombent; le seul endroit sûr est la mission des Jésuites à Saint-Joseph, près de la baie Georgienne. C’est là que se réfugient ceux qui choisissent de ne pas s’assimiler au vainqueur, comme c’est la coutume chez les Iroquois. Répit momentané: devant la menace qui augmente, on doit même abandonner la mission, dernier poste français en Huronie. Juifs errants de l’époque, les Hurons se réfugient partout autour des Grands Lacs, entre autres dans les tribus de leurs anciens partenaires commerciaux, les Ojibways. Trois cent Hurons chrétiens abandonnent définitivement leur pays et, suivant les Français, vont se mettre en sécurité à l’île d’Orléans. Un an plus tard, la majorité d’entre eux préféreront revenir pour s’assimiler aux Iroquois vainqueurs. Seul un noyau de résistants s’y refuse; après quelques années à Sillery, ceux qui restent s’établissent à Lorette, à quelques kilomètres de Québec.