Anne Applebaum

 

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Une synthèse magistrale sur la mise en place de la dictature soviétique en Europe de l’Est.

Anne Applebaum était déjà l’auteure, en 2003, d’une magistrale somme sur le Goulag, synthèse croisée d’entretiens et de tous les ouvrages consacrés au système concentrationnaire soviétique. Dans son nouveau livre, elle s’est attaquée à la mise en place de la dictature dans les pays d’Europe de l’Est entre 1944 et 1956. Elle procède avec la même méthode: le croisement des témoignages, des travaux publiés et des archives consultées. Elle offre là encore une magistrale synthèse sur la mise en place des régimes communistes dans les pays situés «derrière le rideau de fer». Son étude porte sur l’ensemble de l’Europe de l’Est mais s’attarde plus particulièrement sur la Pologne, la nation la plus en but à la répression soviétique, la Hongrie, symbole initial de la soviétisation et à l’Allemagne de l’Est, en raison de son statut particulier dans le dispositif soviétique et de l’appareil policier mis en place. Les autres pays (Roumanie, Bulgarie, Albanie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie) sont analysés plus marginalement.

Avec la défaite du nazisme, les tanks de l’Armée rouge apportent avec eux une nouvelle élite, formée dans la majorité des cas à l’école du stalinisme, souvent dans les cours de l’École léniniste internationale chargée de former les cadres du mouvement communiste, à l’image d’Erich Honecker –alors principal responsable de la Jeunesse libre allemande, l’équivalent des Jeunesses communistes–, d’Erich Mielke –l’un des principaux responsable de la Stasi–, ou d’Heinz Hoffman, cadre de l’armée. Ces exemples se retrouvent dans tous les pays d’Europe de l’Est: les principaux cadres de l’Internationale communiste deviennent les chefs et les membres des démocraties populaires naissantes: Georghe Gheorghiu-Dej, Ana Pauker en Roumanie, Laszlo Rajk, Matyas Rakosi en Hongrie, ou bien évidemment Georges Dimitrov, l’ancien secrétaire général de l’Internationale communiste, en Bulgarie. Ils sont épaulés par les cadres de la police politique, dirigés par Victor Abakoumov dont Ivan Serov dirige sur place les opérations, et secondés par des responsables eux aussi formés en URSS, comme Rudolf Garasin qui importe l’équivalent du Goulag en Hongrie. Ce tandem infernal (parti, police) s’estime être porteur de la violence légitime au nom du marxisme. Les dirigeants peuvent dès lors mettre en place les politiques répressives: élimination des opposants, purification ethnique –comme dans le cas de la déportation des Allemands de Roumanie et de Hongrie–, déplacement massif et forcé de population.