amphitheatre-universiteFrancis Vailles

La Presse

(…) Or, en faisant des recherches, je suis tombé sur une étude qui m’a scié les jambes. Selon cette étude fouillée, les universités du Québec ne souffriraient pas de sous-financement en regard de leurs principales concurrentes, au contraire. Pire: le problème serait lié à la faible charge de travail des professeurs!

« les universités québécoises disposeraient globalement de plus de fonds que leurs concurrentes ontariennes. L’écart de financement Québec-Ontario s’expliquerait notamment par la plus faible charge de travail des professeurs, en moyenne.

En principe, les professeurs doivent donner quatre cours par année, soit deux cours par trimestre (six heures par semaine). Le reste de leur travail est consacré à la préparation des cours, aux suivis avec les étudiants, à la recherche et aux services à la collectivité, entre autres.

Or, dans les faits, les profs ne donneraient pas plus de 3,25 cours par an, comparativement à 3,4 en Ontario(1). À l’UQAM, la moyenne est à 2,8 cours, mais elle oscillerait entre 2,4 et 2,7 en sciences politiques, constate M. Tremblay.

Cette faible moyenne s’explique par les nombreux dégrèvements accordés aux professeurs pour se consacrer à d’autres tâches, par exemple directeurs de programme, superviseurs d’étudiants de 2e cycle (maîtrise) ou responsables de chaires de recherche.

Est-il possible qu’au Québec, pour des raisons syndicales, les professeurs de certaines disciplines soient au contraire mieux payés qu’ailleurs? Que l’écart soit moins grand entre les profs les moins payés et les mieux payés? Et, surtout, que les tâches soient moins lourdes?

Un vieux prof dénonce l’inefficacité des universités

Pierre Tremblay est prof à l’UQAM depuis 28 ans et membre de plusieurs comités. Il dresse un constat sévère: les universités peuvent être clairement plus productives.

L’homme de 68 ans réagit à ma chronique de samedi intitulée «Les universités sont-elles inefficaces?». J’y faisais référence à une étude selon laquelle les universités québécoises disposeraient globalement de plus de fonds que leurs concurrentes ontariennes. L’écart de financement Québec-Ontario s’expliquerait notamment par la plus faible charge de travail des professeurs, en moyenne.

Autre questionnement: la recherche. «Je me pose toujours la question pour chaque recherche: est-ce pertinent? Le problème, c’est qu’on a peu de critères. C’est le flou artistique», dit M. Tremblay, selon qui les recherches dans le vaste champ des sciences politiques et sociales sont difficiles à évaluer.

Parfois, les recherches sont «très, très intimistes, avec seulement une centaine de lecteurs», dit le professeur, qui rappelle que les profs sont maîtres de leur temps.

Pierre Tremblay n’est pas le seul à s’interroger. Le titulaire d’un doctorat en histoire Frédéric Bastien est encore plus critique. En tant que professeur de cégep, il dispense quatre cours par session, comparativement à deux pour les universitaires, et il dit avoir tout de même du temps pour faire de la recherche… non subventionnée.

«Il faut absolument faire quelque chose. Les profs n’ont pas de mauvaise volonté, mais c’est la dérive des années. Il faut dresser un portait clair des dégrèvements et identifier les abus», dit Pierre Tremblay, qui dispense ses quatre cours par année malgré ses nombreuses autres tâches.

 

«Les universités ne crèvent pas de faim. Il y a trop de dégrèvements au détriment de l’enseignement»,

L’ex-vice-recteur de l’administration de l’UQAM, Alain Dufour, est tout aussi catégorique. Selon lui, le sous-financement apparent des universités s’explique par le manque de productivité des professeurs, les conventions collectives rigides et le trop grand nombre de campus qui offrent les mêmes formations, entre autres. «Les profs qui donnent des cours de base, comme comptabilité 101, peuvent en faire plus», dit-il.