photo electrochoc 2La folle histoire de la folie

Le choc électrique

Dès 1937 se tient en Suisse une première réunion internationale pour faire le point sur «les traitements modernes». Parmi les congressistes, un Italien, Lucio Bini, délégué par Ugo Cerletti de l’Université de Rome.

Les deux sont d’autant plus intéressés par les convulsions qu’ils ont leur petite idée pour les provoquer: l’électricité. Il suffirait de faire passer un courant alternatif dans le cerveau pour produire une perte de conscience suivie de convulsions.

Première étape, les abattoirs de Rome. Les deux psychiatres font des essais sur des porcs. À chaque fois les porcs perdent conscience, ont des convulsions. Et à chaque fois, les porcs se réveillent rapidement et recouvrent leur comportement normal. Cerletti est confiant de pouvoir reproduire l’effet avec un être humain.

En avril 1938, un homme en plein délire dans une gare de Rome est arrêté par la police, puis conduit à la clinique de Cerletti. Celui-ci examine l’homme, un ingénieur de Milan, 38 ans, et diagnostique une schizophrénie délirante. Il lui  fait alors une série de onze traitements électriques. Miracle: une rémission spectaculaire et durable s’ensuit. La même année, devant l’académie de médecine de Rome, Cerletti présente les résultats de sa nouvelle méthode, les électrochocs.

Pourtant, à force d’essais, on découvre que les électrochocs sont peu efficaces pour traiter les symptômes de la schizophrénie; par contre, ils neutralisent 90% de ceux des dépressions sévères.

Ainsi, à la fin des années 30, les psychiatres ont quatre nouveaux outils, plus ou moins efficaces, pour lutter contre les maladies mentales sévères: la fièvre pour traiter la démence des syphillitiques, l’insuline et le cardiozol pour la schizophrénie et l’électrochoc pour la dépression.

Il faut ajouter depuis 1935, une nouvelle procédure chirurgicale, rapide, souvent efficace, et qui va révulser le monde entier, la lobotomie.

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Au début des années 1960, des psychiatres comme Ronald Laing et David Cooper en Angleterre, Franco Basaglia en Italie, Thomas Szasz aux États-Unis et Michel Foucault en France déclarent que la maladie mentale n’est qu’une simple étiquette. La folie a sa propre vérité et, en des circonstances favorables, la folie psychotique peut être un processus qui mène vers la guérison. En tous les cas, elle ne doit pas être supprimée par des médicaments.

Encore moins par des électrochocs qui endommageraient le cerveau, seraient inutiles pour traiter la maladie mentale et trop fréquemment utilisés comme forme de discipline. En réalité, les électrochocs n’endommagent pas le cerveau et sont efficaces pour traiter certaines formes de dépression. Mais les hôpitaux psychiatriques s’en servent si couramment, que dans son roman, “Vol au-dessus d’un nid de coucou” (1962) , Ken Kesey, parle de “Shock Shop” pour les désigner.

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La culture populaire adopte et renforce ce courant anti-autoritaire. Le film Family Life (1971) de Ken Loach démontre le caractère coercitif de la famille et remporte un énorme succès. Le film de Milos Forman Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) montre l’horreur des électrochocs et de la lobotomie et la façon dont l’asile transforme la personnalité des patients. Ces auteurs et le public, réclament la fermeture des immenses hôpitaux psychiatriques.

En Italie, Franco Basaglia et ses collègues fondent la «Psichiatria Democratica» en 1974, une association qui milite pour un changement radical de la psychiatrie italienne. Quatre ans plus tard, ils réussissent à faire passer une une loi interdisant les nouvelles admissions en hôpital psychiatrique.

Le discours antipsychiatrique pur et dur disparaîtra à la fin des années 1980, démoli par la réalité. La tentative italienne est un fiasco.