Des chercheurs ont localisé dans l’épaisse forêt du Cameroun le lieu de la première contamination, autour de 1900.

Paris Match

(…) « On estime qu’entre 1884 et 1920 plusieurs hommes, en contact avec des chimpanzés, ont été infectés près de Mambélé par le virus VIH-1 M, raconte, la voix grave, le charismatique colonel. Ils dépérissaient, contaminaient leurs épouses, mouraient dans l’indifférence. L’environnement était tel que le VIH restait cantonné à la forêt. Jusqu’au jour où il s’est trouvé au bon endroit au bon moment pour sortir des bois… » L’essor des pays africains et les chantiers de la colonisation lui ouvrent des routes. En 1920, les échanges commerciaux par voie fluviale entre le Cameroun et le Congo belge (aujourd’hui la République démocratique du Congo) sont intenses. En particulier le commerce de l’ivoire, du caoutchouc et du gibier. A Mambélé, le « Pan troglodytes troglodytes » est traqué pour sa viande par des chasseurs, 1 350 au total, selon Jacques Pépin, auteur de « L’origine du sida ». Quatre-vingts d’entre eux auraient manipulé des animaux malades et une dizaine se seraient empoisonnés lors du dépeçage. Parmi eux, un Bantou, le véritable « patient zéro », traverse le Congo-Brazzaville pour aller vendre sa viande à Kinshasa, à l’époque Léopoldville. Un périple en pirogue de 1 000 kilomètres, plein sud, sur la sombre Boumba puis l’étroite Ngoko. L’homme s’arrête à Moloundou, rejoint la rivière Sangha et descend l’interminable et turbulent fleuve Congo. Il aurait pu chavirer, mourir des dizaines de fois. Mais le destin en a décidé autrement. (…)

Qui s’étonnerait que les hôpitaux regorgent de patients ? Aucune précaution n’est prise pour rincer, stériliser seringues et aiguilles. En 1953, on comptabilise dans un centre de santé jusqu’à 150 000 piqûres. Beaucoup de maladies du sommeil, des syphilitiques et sidéens mais qui passent totalement inaperçus. Leur peau est diaphane, leur corps émacié, ils souffrent de fortes fièvres, de diarrhées chroniques. On les pense atteints de cancer. « Le sida détruit le système immunitaire, laissant le corps vulnérable aux infections mortelles, et les symptômes peuvent apparaître au bout de dix ans, indique le colonel Mpoudi. Pendant ce temps, les personnes séropositives ont continué à voyager… Imaginez les ravages de la contagion à Kinshasa, puis aux alentours et dans toute l’Afrique ! »

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