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Un article du Maclean’s

Le Kiosque a publié en 2007

Les héros clandestins: les Québécois se battent en Espagne

Si quelques-uns se souviennent de l’engagement de George Orwell ou d’André Malraux dans les brigades internationales qui menèrent la lutte contre les troupes de Franco lors de la guerre d’Espagne, plus rares sont ceux qui ont entendu parler de celui d’Amédée Grenier, Lauradin Roy, Napoléon Brais ou de Lucien Tellier.

Ces Québécois firent partie des 1239 Canadiens du bataillon MacKenzie-Papineau partis combattre le fascisme en Espagne dès 1936. Mais à l’inverse de ceux partis en 1944 mener la guerre aux nazis, ils ne furent jamais considérés comme des héros…

Par conviction pour certains ou par désoeuvrement pour d’autres, une trentaine de Canadiens français s’embarquèrent dans la plus grande discrétion pour la France d’où on leur fit traverser la frontière espagnole pour rejoindre les républicains auprès desquels ils luttèrent pied à pied pendant près de deux ans dans des conditions souvent pénibles, avant de regagner défaits le Canada où leur courage politique fut largement ignoré, sinon conspué.

Et pour cause, puisque le Québec catholique de l’époque voyait d’un mauvais oeil ces « blasphémateurs qui détruisent les merveilles de l’Espagne et massacrent les prêtres et les religieuses ». Dès lors, le gouvernement québécois n’avait que faire de ces « communistes » et de ces « juifs »…

C’est pour cela que la plupart des Québécois qui firent partie des 649 Canadiens qui revinrent au pays choisirent, à l’inverse de leurs frères d’armes anglophones reçus comme des héros, de taire longtemps leur aventure aux côtés des brigades internationales, et que leur histoire d’engagement et de courage ne figura jamais dans les livres d’histoire.

Bruno Peres

Le Kiosque a publié aussi

Petite histoire des camarades québécois

Extrait

À l’exception de quelques rares intellectuels et d’une poignée de radicaux, les Canadiens français se rangent comme un seul catholique derrière Franco qui combat les républicains espagnols, ces «blasphémateurs qui détruisent les merveilles de l’Espagne et massacrent les prêtres et les religieuses». Effectivement, des dizaines de milliers de prêtres, de religieux et de religieuses sont assassinés dans les premiers mois de la guerre. C’est la persécution la plus sanglante de l’histoire de l’Église.

Aussi, après l’Italie de Mussolini et l’Allemagne d’Hitler, le Vatican est le troisième pays qui reconnaît Franco.

Officiellement, les groupes de pression pour Madrid, la Canadian League for Peace and Democracy, le Comité d’aide à l’Espagne (CAE), etc., sont dirigés par des pacifistes convaincus comme Frank R. Scott, professeur de droit de McGill, ou les pasteurs des églises protestantes de Montréal. Le Parti, qui manipule tous ces groupes, veut les présenter comme le fruit d’une campagne populaire.

Pour mousser la cause républicaine, la section montréalaise du Comité d’aide à l’Espagne (CAE) organise à l’automne 1936 la visite à Montréal d’une délégation espagnole en tournée aux États-Unis. L’Église se déchaîne. La visite est aussitôt dénoncé par monseigneur Georges Gauthier, qui fait lire en chaire par tous les curés de la métropole sa lettre pastorale contre le communisme. La Société Saint-Jean-Baptiste demande au Premier ministre Duplessis et à la ville de Montréal d’interdire une assemblée qui peut «mettre en danger la paix et l’ordre public.»

Lorsque les délégués espagnols arrivent de Toronto le 23 octobre au matin, quelque 200 étudiants de l’Université de Montréal se présentent à l’hôtel de ville pour réclamer l’interdiction de l’assemblée de l’Aréna Mont-Royal. Ils l’obtiennent.

Le comité d’organisation multiplie en vain les efforts pour trouver une salle. Impossible. La grande assemblée est annulée. En soirée, une réunion se tient à l’hôtel Mont-Royal où loge la délégation. Pendant ce temps, quelque 2 500 étudiants sont massés devant l’Aréna Mont-Royal, scandant «À bas les communistes!», «À bas l’impérialisme!» et «À bas les juifs!» Ils sont dispersés par la police.