Histoire de l’escalavage du pêcheur gaspésien

Sylvain Rivière
Éditions Trois-Pistoles
234 pages

Critique dans Les Cahiers de lecture de L’Action nationale
Volume 8, numéro 2, printemps 2014, p. 26-28
Direction : Robert Laplante (directeur)

Sylvain Rivière veut partager quelques-uns des matériaux de recherche qui lui ont servi pour rédiger romans et pièces de théâtre. Il veut rendre accessibles des textes peu diffusés, connus trop souvent par les seuls spécialistes. Il est gaspésien et il a grandi dans les stigmates culturels et sociaux de la domination des Robin dont, tout au long de son oeuvre, il a cherché à se défaire. Il propose ici un recueil qui permet de cerner les contours d’un système qui aura dépossédé les Gaspésiens, les laissant « déshabités de l’intérieur, en étant réduits, pendant des siècles, au silence, à l’ignorance et à l’exploitation » (p. 9). L’édition est soignée, ponctuée de photos et illustrations qui rendent la lecture agréable et prolongent les impressions de lecture bien au-delà d’une mélancolique nostalgie, quelque part dans la sourde colère des survivances. Car elle est dure l’histoire des Robin. Dure pour le peuple des graves, l’aventure d’affaires d’un homme âpre au gain qui n’a reculé devant rien pour imposer des conditions de vie ne livrant pitance qu’à ceux-là qui pouvaient se montrer exceptionnellement durs à la peine. La Gaspésie s’est construite sous un joug terrible. Les textes réunis ici ont de quoi donner le frisson et nourrir toutes les colères. Le projet de ce livre s’en trouve amplement justifié.
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Le Kiosque a publié:

Les Robin: exploiter les Gaspésiens jusqu’à la dernière morue

Charles Robin © Archives nationales du Canada
Charles Robin © Archives nationales du Canada

Extrait:

René Lévesque écrivait en 1947 :

(….) Ils (les Robin) étaient actifs et sans scrupules. Ils inventèrent un avantageux système de troc et une comptabilité encore plus avantageuse ; et, jusqu’à ces dernières années, ils parvinrent ainsi à garder sous leur coupe, dans un véritable servage, des générations entières de pêcheurs, hommes simples pour qui les chiffres étaient une magie noire d’où ne sortaient jamais rien que des dettes. »

La compagnie Robin a été l’une des plus rapaces de l’histoire du Canada. Fondée après la conquête anglaise par le Britannique Charles Robin, l’empereur de la morue, elle a exploité les pêcheurs gaspésiens pendant deux siècles tout en étendant ses tentacules en Grande-Bretagne, en Méditerranée, dans les Antilles et même en Amérique du Sud. Il faudra un siècle pour la briser, un autre siècle pour l’abattre. À ce moment il sera trop tard.